OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Crédibilité: Hollande 56% Sarkozy 44% http://owni.fr/2012/04/29/credibilite-hollande-56-sarkozy-44/ http://owni.fr/2012/04/29/credibilite-hollande-56-sarkozy-44/#comments Sun, 29 Apr 2012 09:39:57 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=108369 OWNI ont vérifié 132 déclarations chiffrées de Nicolas Sarkzoy et François Hollande prononcées au cours de leurs derniers débats ou discours. Voici le bilan détaillé de leurs erreurs et approximations. En passant par l'Espagne et le RSA (pour lequel les deux se trompent). Au classement de crédibilité OWNI i>Télé, François Hollande creuse l'écart avec Nicolas Sarkozy, avec 56% de déclarations exactes contre 44% pour le président sortant.]]>

Depuis quelques jours, les deux candidats, Nicolas Sarkozy et François Hollande abreuvent à nouveau leurs discours ou interviews de références chiffrées. Avec un sens de l’exactitude très relatif. Au classement du Véritomètre, l’application web qui vérifie l’exactitude des déclarations chiffrées des deux candidats à la présidentielle, l’écart se creuse : François Hollande reste en tête avec 56 % de crédibilité, quand Nicolas Sarkzoy se situe à près de 12 points derrière lui, à 44,3 %.

Durant cette dernière semaine, l’équipe du Véritomètre a vérifié 132 citations chiffrées de ces deux candidats. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention (l’intégralité des 132 vérifications est accessible ici, sur les pages du Véritomètre).

Le président et son bilan

Les Français ont été mieux protégés de la crise que leurs voisins européens : c’est l’un des arguments phare de la campagne de Nicolas Sarkozy. Sauf qu’il exagère parfois nettement l’impact de ses mesures. Ainsi affirmait-il sur France Info le 25 avril :

Le RSA a permis à 600 000 familles de sortir de la pauvreté.

Faute de référent clair, la “pauvreté” évoquée par Nicolas Sarkozy correspond sans doute aux personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté – fixé à moins de 60 % du revenu national médian, soit 956 euros en 2010. Selon le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA publié en décembre 2011, 78 000 foyers ont dépassé le seuil de pauvreté en raison de l’apport induit par le RSA.
Le candidat de l’UMP prend donc de fortes libertés avec les chiffres, en multipliant par 7,7 le nombre de familles sorties de la pauvreté grâce au RSA.

Autre exagération sur une autre radio du service public. Jeudi 26 avril, invité de la matinale de France Inter, Nicolas Sarkozy évoque son bilan en matière de retraites :

J’ai veillé à augmenter la pension de réversion, qui avant que je ne sois Président de la République était à 54 % et qui maintenant est à 60 %.

Pas tout à fait : la pension de réversion correspond à la fraction de la pension qu’un(e) retraité(e) peut toucher à la mort de son(sa) conjoint(e). Comme l’indique le Haut conseil à la famille dans une note du 8 juillet 2010, le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a institué une hausse dans le montant de la pension de réversion du régime général, qui est passée de 54 à 60 % du montant de la pension du conjoint décédé. Si ce taux de 60 % a été effectivement atteint le 1er avril 2012, comme le précise le site Internet du ministère du Travail, cette majoration n’est accessible qu’à certaines conditions : pour les personnes de 65 ans et plus et ne touchant pas plus de 841,45 euros de réversion par mois. Au-delà de ce montant, la majoration de la pension de réversion est diminuée proportionnellement, ce qui implique que tous les retraités ne profitent pas d’une majoration à “60 %”.

La formulation utilisée par Nicolas Sarkozy est floue : elle sous-entend que la pension de réversion a été “augmentée” pour tous les retraités, alors que seule une part d’entre eux profite effectivement de cette majoration.

François Hollande taxe Nicolas Sarkozy

Le candidat socialiste s’est attaqué à l’une des promesses de Nicolas Sarkozy en 2007, qui consistait à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires durant son quinquennat. François Hollande comptabilise cependant, lors de son passage à “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

Y’a eu 40 taxes qui ont été créées [par le Président sortant].

Nos confrères du Monde ont recensé, dans un article datant du 25 octobre 2011, le nombre de taxes créées, de hausses de taxes et de niches fiscales supprimées durant le mandant de Nicolas Sarkozy. Pour ce qui concerne les taxes uniquement, ils arrivent à un total de 31, y compris en comptant les taxes votées mais non encore appliquées (comme l’éco-taxe poids lourds qui sera généralisée dans tout le pays en 2013). Il reste encore un peu de marge avant d’atteindre le nombre de 40 taxes créées.

Décidément, le RSA ne réussit pas aux candidats. Alors que Nicolas Sarkozy exagérait considérablement le montant des personnes sorties de la pauvreté grâce à cette mesure, François Hollande surestime le montant de cette allocation, ou tout du moins manque de précision dans sa formulation. Il évoquait, toujours à “Des paroles et des actes” :

Le RSA, c’est 700 euros.

Or, comme de nombreuses allocations, le montant du RSA est calculé en fonction de la situation familiale des personnes. Selon les montants valables pour 2012 publiés sur le site Internet de la CAF, une personne en couple avec un enfant ou une personne seule avec deux enfants vont effectivement toucher 712,40 euros, mais une personne en couple peut monter jusqu’à 997,36 euros alors qu’une personne seule sans enfant ne touchera que 474,93 euros. Les propos de François Hollande sont donc imprécis car ils supposent que l’allocation du RSA est de 700 euros pour tout personne bénéficiaire.

Le retour des favoris

On pourrait l’appeler le “kit-chiffres de survie” ou le “set des données chéries”. Tant le candidat PS que le candidat UMP ont leur série de démonstrations chiffrées favorites, qu’ils ont ressortie très régulièrement pendant la première semaine de l’entre-deux-tours.

Le candidat socialiste a ainsi évoqué à Lorient le 23 avril, sur TF1 le 24 avril ou encore lors de l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

“Il (Nicolas Sarkozy) avait dit que si le chômage atteignait 5 % c’était la réussite de son quinquennat, c’est le double (…) il laisse un pays avec un taux de chômage de 10 % de la population active.

Les dernières données publiées par Eurostat, l’institut de statistiques européen, donnent raison au candidat socialiste : en janvier et février 2012, le taux de chômage en France s’établit à 10,0%.

Durant cet entre-deux-tours, Nicolas Sarkozy parle beaucoup de l’Espagne, incarnation, dans son argumentaire, de ce qu’aurait pu être la France sans sa présence à l’Élysée pendant la crise.

Il évoque ainsi, à Saint-Cyr-sur-Loire, le 23 avril :

220 % d’augmentation du chômage chez nos amis espagnols après sept années de gouvernement socialiste.

Invité des “Quatre vérités” sur France 2 le 24 avril :

Savez-vous combien de chômeurs en Espagne ? 23 %.

Lors du JT de 20 heures de TF1 le 25 avril :

Monsieur Zapatero, qui vient d’appeler à voter pour M. Hollande, 220 % d’augmentation (du chômage) en Espagne.

Et à “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :

22 % de chômage [en Espagne].

Or, la réalité du chômage en Espagne décrite par les données officielles est légèrement différente de celle assénée à longueur de discours par Nicolas Sarkozy. Eurostat publie pour le mois de février 2012 un taux de chômage de 23,6 % en Espagne.

De plus, José Luis Zapatero, Premier ministre du Parti socialiste espagnol a été élu en mars 2004. Après un renouvellement, son mandat s’est terminé le 21 décembre 2011. Selon les données d’Eurostat, le taux de chômage harmonisé en Espagne est passé de 11,2 % en mars 2004 à 23 % en décembre 2011, soit une augmentation de 105,4 %. Même si la hausse du chômage en Espagne entre 2004 et 2007 est considérable, elle est donc loin de 220 %.

L’écart des résultats

Les deux candidats ont également régulièrement commencé leurs discours ou interviews par des calculs ou analyses faites sur les résultats du premier tour, comme “La Gauche est à son plus haut niveau depuis très longtemps, 44 %. ou encore presque “18 % (de suffrages exprimés en faveur) de Marine Le Pen (…) c’est 6 millions et demi de Français”.

Les résultats officiels étant publiés par le ministère de l’Intérieur, on ne s’attendait guère à trouver des incorrections dans ces citations. Et pourtant, un abus de langage peut jouer des tours, comme pour le candidat de l’UMP lors de son discours de Saint-Cyr-sur-Loire le 23 avril :

les Français sont allés voter à plus de 80 %.

Un “plus de” de trop : les résultats officiels publiés par le ministère de l’Intérieur évoque un taux de participation au premier tour de 79,47% des inscrits.

Ou un excès de zêle pour décrire la situation de son adversaire, comme François Hollande à Paris, le 25 avril :

Le candidat sortant qui arrive cinq points en-dessous de ce qu’avait été son résultat en 2007.

Toujours selon les données officielles du ministère de l’Intérieur en 2007, Nicolas Sarkozy avait obtenu 31,18 % des suffrages exprimés contre 27,18 % au premier tour de l’élection présidentielle 2012, soit une différence de 4 points.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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François Hollande choisit ses années http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/ http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/#comments Tue, 24 Apr 2012 18:14:02 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=107789 OWNI-i>Télé, François Hollande reste devant Nicolas Sarkozy de plus de deux points, avec 55 % de crédibilité.]]> Le classement duVéritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des principaux candidats à la présidentielle, a pris des airs de duel, entre-deux-tours oblige. L’écart entre les deux candidats reste important : François Hollande est en tête à 55 %, Nicolas Sarkzoy pointe à 43,6 %.

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 22 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Nous nous sommes également intéressés aux documents de campagne qui mettent en scène les données et qui prennent une place cruciale dans les argumentaires des candidats, comme “La lettre aux Français” de Nicolas Sarkozy ou “Le dépôt de bilan” réalisé par le Parti socialiste. Ou encore ce joli tract distribué par la fédération des Hauts-de-Seine. Ces documents feront l’objet d’analyses complètes durant l’entre-deux-tours.

Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

François Hollande gauche sur les emplois industriels

François Hollande aime fustiger la politique industrielle de son concurrent, avec cette donnée clef :

400 000 emplois industriels qui ont été perdus.

Répétée à l’envi : lors de son discours de Lorient le 23 avril, dans l’émission “Parole directe” de TF1 du 18 avril, mais aussi chez Christophe Barbier sur i-Télé le 10 avril, ou encore pendant son discours de Mont-de-Marsan, le 29 mars…

Or ce chiffre est incorrect : selon l’Insee, la France est passée de 3,6391 millions d’emplois industriels au premier trimestre 2007 à 3,2957 millions au dernier trimestre de 2011. Soit une perte de 343 400 emplois et non 400 000.

Etonnement, le PS semble mieux renseigné que son candidat : le tract évoque un chiffre plus proche de la réalité, de 350 000, dans un graphique mettant en scène l’histoire des emplois industriels en France entre 1993 et 2002.

L’Insee (source indiquée par le Parti socialiste) nous gratifie des données par trimestre, depuis 1970. En calculant, pour plus de visibilité, la moyenne par année, les chiffres donnent le graphique suivant.

Le graphique ne présente pas une réalité considérablement différente de celui du PS. En revanche, il montre bien que les emplois industriels chutent depuis les années 1970, à l’exception d’une remontée entre 1988 et 1990, ainsi qu’entre 1999 et 2001.

De plus, les données semblent contredire l’argumentaire socialiste selon lequel les gouvernements de droite font perdre des emplois industriels, ceux de gauche en créent. Sous François Mitterrand, la situation n’est pas vraiment meilleure : entre 1981 et 1988 (gouvernements Mauroy et Fabius), la France a perdu 504 000 emplois industriels, soit davantage même que pendant la présidence Sarkozy.

Le PS doit cependant se baser sur d’autres chiffres. Car les chiffres de l’Insee ne donnent pas les mêmes résultats que ceux présentés sur le tract. Que ce soit en calculant par année, ou par trimestre (en prenant le second trimestre, celui durant lequel ont généralement lieu les investitures, comme référence), impossible de retomber sur les éléments présentés par le tract socialiste :

Non seulement le PS semble exagérer les chiffres pour les périodes 1993-1997 et 1997-2002, mais en ne présentant les données que depuis 1993, ils sous-entendent un lien entre gouvernement de droite et perte des emplois industriels invalidé par les données historiques.

François Hollande oublie les DOM-TOM

Selon l’argumentaire du PS et de son candidat, Nicolas Sarkozy est également responsable de la hausse du chômage. Comme François Hollande l’évoquait à Lorient le 23 avril :

C’est celui qui a laissé le chômage atteindre 10 % de la population active.

Les derniers chiffres de l’Insee indiquent en effet pour le quatrième trimestre 2011 un taux de chômage de 9,4 % en France métropolitaine et 9,8 % en tenant compte des territoires d’Outre-Mer.

Son tract de campagne est plus précis, présentant là aussi une période historique, mais plus restreinte que celle mise en avant sur les emplois industriels. Sur ce graphique, le PS se concentre uniquement sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le graphique indique la source (Dares) et fait plus ou moins référence à la catégorie de demandeurs d’emploi représentée ici en parlant de personnes “sans emploi ou en emploi précaire”. Cela peut correspondre aux catégories A, B et C : personnes sans emploi (catégorie A), ayant exercé une activité réduite courte, d’au plus 78 heures au cours du mois (catégorie B), ou une activité réduite longue, de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie C).

Les chiffres présentés par le PS correspondent à ceux relevés par la Dares qui dénombrait 4,2786 millions de demandeurs d’emploi en février 2012 (dernières données disponibles) ; 3,840 millions en décembre 2009 ; 3,249 millions en décembre 2008 et 3,093 en décembre 2007.

Pour les années 2010 et 2011 par contre, si les données restent dans l’ordre de grandeur évoqué par le PS, difficile de savoir quel mois de référence ils ont choisi. Car en décembre 2010 la Dares recense 4,0309 millions de chômeurs et non 4,05 ; et 4,2534 millions en décembre 2011 et non 4,27.

Et surtout, les données présentées par la Dares ne prennent en compte que la France métropolitaine. Le (peut-être) futur président de tous les Français oublie donc une large partie du territoire.

Une balance floue

Le dernier graphique présenté par le PS sur son tract n’est pas très précis : les valeurs ne sont pas indiquées, seule l’échelle de gauche permet de donner une idée du montant du solde du commerce extérieur en France.

L’équipe du Véritomètre avait déjà inséré les données relatives à la balance commerciale de la France dans l’application, issues de l’Insee et non de l’ONU comme le source le tract du PS. Mais les tendances évoquées sont les mêmes :

Cependant si l’on reprend la tendance large évoquée par l’Insee, on voit que les années où la Gauche était au pouvoir présentent également en dents de scie.

Les données issues de ce tract, que le PS s’est pourtant donné visiblement la peine de chercher, sourcer, scénariser et représenter graphiquement, ne sont pas celles que l’on retrouve pour la visualisation interactive du PS intitulée “Le dépôt de bilan de Nicolas Sarkozy”. Nous aurons l’occasion de revenir également sur ces chiffres.


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Objectif électeurs #2 http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Sun, 15 Apr 2012 12:37:47 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106053 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. – Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait ou en fonction des contraintes du projet (respect de la parité, diversité et thèmes et des catégories socio-professionnelles). Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Le deuxième volet de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) part à la rencontre de Fabienne, enseignante à ESMOD et déçue du sarkozysme, par le photographe Benjamin Leterrier. Et de Delphine, jeune diplômée à la recherche d’un emploi, par la photographe Karin Crona. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Karin Crona : le chômage

Delphine au Secours catholique. Elle y est bénévole sur son temps libre. ©Karin Crona/21voixpour2012

Karin Crona, a rencontré Delphine à un moment de ras le bol dans sa recherche d’emploi. Elle enchaînait les stages sans jamais trouver de CDD ou de CDI depuis plus d’un an. “Ce qui m’a frappé c’est sa volonté de ne pas rester inactive, de ne pas baisser les bras. Elle attendait une réponse pour un CDD quand je l’ai rencontrée mais elle était prête à reprendre un stage si cela ne marchait pas” raconte Karin.

Delphine donne du temps au Secours catholique, franchit de portes et enchaîne les entretiens. Karin ajoute,“au début de sa vie professionnelle, on a envie de s’investir et on ne s’attend pas à la commencer avec du chômage ou des stages à n’en plus finir. J’espérais pouvoir montrer ce cheminement, dans la recherche d’un emploi”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un si long chemin…

Delphine habite un immeuble élégant dans le 17eme arrondissement de Paris. Je l’ai vu deux fois chez elle. Pour accéder à sa chambre de bonne, il faut franchir beaucoup de portes, traverser la cour de l’immeuble jusqu’au fond, prendre les escaliers de service jusqu’au 7ème étage à pied et longer des couloirs. Ces escaliers sont étroits et vides. On se sent seul dans l’ascension, sans présence de voisins, avec sonnettes et paillassons. Pour moi, tout ce trajet était devenu symbolique du chemin qu’elle a du parcourir pour trouver du travail.

Delphine, jeune diplômée à la recherche d'un emploi par ©Karin Crona/21 voix pour 2012

Au départ, je voulais faire une séquence de stop motion où elle marche dans ce long couloir. Je lui ai demandé de se placer, et j’ai fait les photos. J’aimais bien cette lumière qui sortait derrière elle, au bout de ce long tunnel. Ce n’est qu’au moment du montage, que cette photo ma frappée, avec toute la symbolique qui s’en dégageait. Je trouvais qu’elle sortait du lot, qu’elle cristallisait son histoire et je l’ai gardée telle quelle.

Benjamin Leterrier : éducation et emploi

“Notre démarche sur le projet 21 voix pour 2012 était de respecter entre autres choses, la parité. À un moment donné, nous avions 5 femmes représentée pour 16 hommes. C’est cette contrainte qui m’a fait découvrir l’univers de la mode et m’intéresser de plus près aux enjeux de l’éducation et de l’emploi des jeunes,” raconte Benjamin Leterrier. Il rencontre Fabienne, professeur de stylisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD).

Les élèves de l'école ESMOD au travail © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Déçue des promesses faites par le gouvernement Sarkozy, c’est son rapport avec ses élèves, son inquiétude et son sens de la responsabilité face à leur avenir qui a frappé Benjamin Leterrier. “On voit qu’elle est proche d’eux, qu’elle se sent responsable, et en opposition, elle ressent très fortement l’éloignement des hommes politiques des citoyens.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Transmission

C’était en fin d’après-midi. Les élèves ont tous un projet personnel de collection de vêtements à réaliser sur plusieurs mois. Ce jour là, ils passaient voir Fabienne avec leurs ébauches. ESMOD accueille beaucoup d’élèves des pays asiatiques et Fabienne donne aussi ses cours en anglais. Son parcours personnel est intéressant car elle a étudié dans cette même école, puis a travaillé dix ans en Chine dans une usine de textile avant de revenir travailler ici.

Fabienne et son élève © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Toutes les deux étaient très concentrées comme dans une bulle. Autour d’elles il y avait plusieurs élèves dans une grande salle. Je me suis placé comme une petite souris derrières elles. C’est ce moment de proximité, de transmission et d’attention que je voulais capter.


Photographies par Karin Crona © etBenjamin Leterrier © tous droits réservés

OWNI s’associe à au projet 21 voix pour 2012 avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias. Inscrivez-vous !

Les photojournalistes :

Karin Crona a 43 ans et vit en France depuis 12 ans. Graphiste de métier, dans l’édition et dans la presse, elle décide de faire de la photographie son métier principal depuis 5 ans. C’est le partage de ses clichés sur internet qui la pousse à se lancer. Elle traite des thèmes sociaux, liés à l’éducation, la précarité et l’exclusion.

Benjamin Leterrier a 38 ans. Biologiste et journaliste de formation, il découvre la photographie en 2001 lorsqu’il part s’installer à la Réunion. Il commencera à collaborer avec la revue du CNRS en avril 2012.

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Hollande ne passe pas la cinquième http://owni.fr/2012/04/04/hollande-ne-passe-pas-la-cinquieme/ http://owni.fr/2012/04/04/hollande-ne-passe-pas-la-cinquieme/#comments Wed, 04 Apr 2012 18:16:23 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=104933 OWNI-I>Télé le candidat socialiste reste à la troisième place, devancé par Eva Joly à 57,7 % et Jean-Luc Mélenchon (62,1 %).]]>

Les positions bougent sur les lignes du milieu dans le classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. François Bayrou continue sa descente avec son discours à Perpignan, évalué à 44 % de crédibilité. Il rejoint sous la barre des 50 % Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen . Jean-Luc Mélenchon tient toujours tête avec 61,2 % de crédibilité.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 40 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

François Hollande revisite la Vème République

L’adverbe “jamais” dans une citation de candidat alerte toujours l’équipe des vérificateurs. Souvent synonyme d’exagération : “La croissante n’a jamais été aussi faible”, “nous n’avons jamais autant produit de notre histoire”, sa présence augmente donc la probabilité de tomber sur une citation incorrecte. Le 27 mars dernier, François Hollande ne fit pas partie des quelques exceptions à la règle. Lors de son discours à Boulogne-sur-mer, le candidat socialiste déclarait ainsi, un brin dramatique :

Ce qui s’est passé depuis cinq ans en matière d’emploi et de chômage est le record, hélas, de la Vème République : jamais il n’y a eu autant d’emplois détruits.

Notre vérification a bien failli tourner court à cause de ce curieux référentiel de temps – la Vème République. Car si l’Insee publie effectivement une série longue sur le nombre d’emplois (salariés et non salariés) en France, celle-ci ne commence qu’en 1989, soit 31 ans après le début de la Vème République.

Cependant, ces données permettent d’ores et déjà d’invalider les propos de François Hollande : entre 2007 et 2010 (dernières données disponibles), le nombre d’emplois est passé de 26,4854 millions à 26,2416 soit 243,8 milliers d’emplois “détruits”. Sur une tranche temporelle équivalente – 1990 et 1993 -, le nombre d’emplois est passé de 23,2574 millions à 22,7587. La perte d’emplois est deux fois supérieure à celle connue entre 2007 et 2010, avec la “destruction” de 498,7 milliers d’emplois.

Nicolas Sarkozy multiplie les prestations

L’argument est vieux comme le monde, du côté droit de l’échiquier politique : les aides sociales que la France octroie aux immigrés créent un appel d’air incessant pour une nouvelle immigration.
Nicolas Sarkozy l’évoquait dans son discours à Nancy, lundi 2 avril :

Une immigration qui vienne en France [...] parce qu’elle est tentée par les prestations sociales les plus généreuses du monde.

Or, selon l’institut de statistiques européen Eurostat, la France est tout juste dans le top 10 des pays les plus généreux en termes de prestations sociales. Avec 7 947 euros par an et par habitant en 2009 (dernières données disponibles), la France se retrouve derrière la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et l’Allemagne. Rien que dans l’Union européenne – alors que Nicolas Sarkozy évoque “les prestations (…) les plus généreuses du monde” -, l’affirmation du Président-candidat est incorrecte.

Le fantasme de l’Allemagne atteint François Bayrou

Après Nicolas Sarkozy, c’est au tour de François Bayrou d’idéaliser l’Allemagne. Il évoquait, dans son discours de Besançon le 27 mars dernier :

Dans un très grand nombre de régions allemandes, il n’y a plus de chômage.

A partir d’un taux de chômage à 3 %, une situation est généralement considérée comme pouvant être décrite “de plein emploi”.

Selon un rapport Eurostat (EN) “Unemployment in the EU27 in 2010″ de novembre 2011, décrivant la situation de l’emploi dans l’Europe élargie avec une granularité au niveau des régions, il n’existe pas une seule région en Allemagne qui atteigne ce niveau : la “meilleure”, l’Oberbayern, faisant état de 3,6 %. Toutes les autres régions ont un taux compris entre 3,6 et 13,2 % (région de Berlin). François Bayrou est donc largement incorrect en évoquant “un très grand nombre de régions allemandes” qui connaîtrait le plein-emploi.


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Sarkozy mauvais emploi http://owni.fr/2012/02/22/sarkozy-chomage-emploi-chiffres/ http://owni.fr/2012/02/22/sarkozy-chomage-emploi-chiffres/#comments Wed, 22 Feb 2012 06:45:30 +0000 Sylvain Lapoix et Marie Coussin http://owni.fr/?p=99360

En lançant sa campagne sur la thématique du chômage, Nicolas Sarkozy s’est davantage inspiré des chiffres des sondages sur les préoccupations des Français plutôt que des statistiques les plus sérieuses du ministère de l’Emploi.

Dès sa déclaration de campagne au 20 heures de TF1, Nicolas Sarkozy a dégainé un chiffre-ritournelle, déjà présent dans son interview au Figaro Magazine du 11 février et depuis réutilisé à la tribune de son premier discours de campagne à Annecy le 16 février :

Aujourd’hui, il y a seulement 10 % des chômeurs qui sont en formation.

S’appuyant sur ce propos pour justifier sa première proposition importante sur la formation des chômeurs, le président-candidat surestime en fait lourdement les chiffres réels : selon l’organisme statistique du ministère du Travail (la Dares),  les dernières études disponibles comptabilisent seulement 8 % de demandeurs d’emploi en formation pour l’année 2009, soit une marge d’erreur de 20 % (cliquez dans les graphes ci-dessous pour les agrandir).

Une donnée un peu datée, elle remonte à 2009, mais c’est la dernière à avoir été publiée. Nicolas Sarkozy semble défier ce chiffre de 8% en affirmant à Annecy qu’ “à la minute où [il] vous parle” il représenterait 10%.

Soit le Président balance avec une assurance de bateleur une grossière approximation. Soit il a eu accès à des données non encore publiées, et donc soumises aux règles légales du secret statistique (garantissant l’équité des candidats et des citoyens devant l’information), avant de les étaler l’air de rien en meeting.

Nicolas Sarkozy aborde donc le thème de l’emploi en insistant d’abord sur la faible proportion de chômeurs en formation, avec des chiffres contestables, pour ensuite stigmatiser le coût de cette formation. Mais là aussi, dans le deuxième volet de son argumentaire, les chiffres se révèlent erronés.

Sarkozy se contredit de 5 milliards

Dès son interview donnée au Figaro Magazine le 11 février, il affirme :

Chaque année, 30 milliards d’euros sont consacrés à la formation professionnelle. Cet argent peut être et doit être mieux utilisé.

Cependant, une semaine plus tard, lors du discours d’Annecy, le même chiffre s’est effondré :

C’est une véritable révolution dans l’indemnisation du chômage qui ne sera possible que si notre système de formation professionnelle est complètement remis à plat. Mes chers amis, 25 milliards d’euros dépensés chaque année auxquels personne ne comprend plus rien, c’est un chantier immense qui va s’ouvrir.

Une correction inutile puisque, comme nous le confirme la Dares (tableau I), le bon chiffre (31,315 milliards d’euros en 2009) était bien plus proche de la première citation !

Cet indicateur biaisé se rapproche néanmoins de quelque chose : il s’agit en fait des dépenses de formation professionnelle pour le secteur privé uniquement (25,264 milliards en 2009), excluant les six milliards de budget alloués par la fonction publique à la formation de ses agents.

Mais l’erreur (consciente ou non) ne se limite pas au chiffre. Globalement, en mettant en parallèle la réforme de la formation des demandeurs d’emploi et le budget total de formation professionnelle, Nicolas Sarkozy forme un pont entre deux rives bien lointaines.

Si dans son discours les deux sont systématiquement associés, les dépenses de l’État pour la formation des demandeurs d’emplois ne représentaient en 2009 que 863 millions d’euros sur 7,963 milliards au total, tous publics confondus – l’État ne prend donc en charge que 10,9 % de ce budget.

Un chiffre par ailleurs en baisse de 5,9 % sur l’année. La majeure partie du budget formation de l’État demeure celui destiné aux jeunes (apprentissage, professionnalisation, accompagnement et insertion) précédant l’aide à la formation continue des salariés du public (2,9 milliards en 2009) et celle aux salariés du privé (1,37 milliard).

Désengagement

Or, le rôle de l’Etat est minoritaire dans le financement des stages de formation des demandeurs d’emploi : selon la base BREST de la Dares (p.2), seuls 12 % des stages pour les chômeurs sont financés par des budgets de l’État, contre 15 % par le Pôle emploi et surtout 62 % par les régions.

Depuis la décentralisation en 2004, ce sont trois fois moins de demandeurs d’emplois d’emploi qui bénéficient d’un financement d’État : de 256 760 au moment de la réforme, nous sommes passés à 68 151 en 2009. Une baisse maigrement contrebalancée par la montée en charge du Pôle emploi dans ce domaine, de 8 à 15 % des stages financés.

Ce transfert vers les collectivités territoriales n’a cependant pas été compensé par le soutien aux structures locales. Bien au contraire. L’avis de la Commission aux affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de finances 2012 du Sénat note dans son volet « Travail et emploi » une action de sape budgétaire caractérisée :

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait, initialement, de réduire de près de moitié les crédits alloués par l’Etat aux maisons de l’emploi (53 millions contre 95,5 millions en 2010). Des amendements parlementaires ont cependant atténué cette baisse et fixé la dotation à 77,4 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2012 propose à nouveau une forte diminution des crédits destinés aux maisons de l’emploi (38 %).

Créé par le gouvernement Fillon en fusionnant l’Unedic et les Assedic, le Pôle emploi n’a pour sa part pas connu de baisse significative de ses moyens mais une stagnation. Le chômage, en revanche, a connu une hausse violente suite à la crise. Une conjonction relevée par ce même avis de la Commission aux affaires sociales :

Le nombre de chômeurs a augmenté de 30 % depuis la crise, sans que les moyens de Pôle emploi ne soient renforcés. De ce fait, l’opérateur n’a pu maintenir la qualité de service que les usagers sont en droit d’attendre en matière d’accompagnement et d’aide à la recherche d’emploi.

Or, comme en 2010 et 2011, la dotation de l’Etat s’établira pour l’année 2012 à 1,36 milliards d’euros. Des réalités comptables qui représentent le bilan du quinquennat en matière d’emploi.


illustrations et couverture par Marion Boucharlat et Ophelia Noor pour Owni

Retrouvez le Véritomètre i>TELE OWNI sur itele.owni.fr

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Les bébés cachés des 35 heures http://owni.fr/2011/09/04/gateau-de-lemploi-35-heures/ http://owni.fr/2011/09/04/gateau-de-lemploi-35-heures/#comments Sun, 04 Sep 2011 08:11:13 +0000 Sans rationalité et sans finalité http://owni.fr/?p=78081 Une déclaration du Secrétaire d’État Frédéric Lefebvre est passée inaperçue : le sarkoziste canal historique a fait sienne la mesure politique que honnit pourtant son camp. Lefebvre a déclaré qu’il fallait revenir aux 35 heures pour faire baisser le chômage en France !

En réalité pas vraiment, mais presque : il a plutôt affirmé que nous avions un taux de chômage élevé car :

Il faut dire la réalité : parce qu’on a un taux de natalité beaucoup plus important que beaucoup d’autres pays.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

J’aime beaucoup le « il faut dire la réalité » de notre Secrétaire d’État.

Je l’aime d’autant plus que cela revient à faire des 35 heures une réalité tout aussi substantielle. En effet, l’affirmation du Secrétaire d’État se fonde sur la même « théorie » économique : celle qui voit le nombre d’emplois comme un gros gâteau dont la taille est intangible et qu’il est donc d’autant plus difficile – voire impossible – à partager qu’il y a de convives. Ce que nous dit le Secrétaire d’État est, en effet, que nous avons des chômeurs parce que le nombre de convives (d’actifs) augmente dans notre pays en raison des naissances nombreuses alors qu’ailleurs, il stagne (un ailleurs qui se réduit à la seule Allemagne décidément le seul point de comparaison dont disposent les hommes politiques de droite). Et comme le gâteau (le nombre d’emplois) reste le même, cela fait autant de chômeurs.

Pourquoi les chômeurs français sont-ils privés de gâteau?

C’est très exactement un raisonnement de ce type qui a justifié, du moins pour les plus économiquement naïfs des socialistes, l’adoption des 35 heures, à la fin des années 1990. Car, au moins, les socialistes avaient la vertu d’aller au bout de leur raisonnement : si le problème est que le gâteau (le nombre d’emplois) est fixe, et que le nombre de convives augmente, alors il n’y a qu’une seule solution : diminuer la taille de la part de gâteau de chacun (baisser le nombre d’heures travaillées) pour que tous puissent manger (qu’il n’y ait plus de chômeurs).

Au contraire, le gouvernement auquel appartient Frédéric Lefebvre a adopté tout une série de mesures qui, d’une part, augmentent le nombre de convives et qui, d’autre part, accroissent la part de gâteau de ceux qui ont la chance d’en avoir une. La réforme des retraites conduit, en effet, à ce que les plus de 60 ans ne partent pas à la retraite, augmentant d’autant le nombre d’actifs. Le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires (au-delà des emplois bénéficiant de réduction de charges) conduit les actifs en emploi à travailler des heures qui auraient pu être effectuées par des chômeurs.

Et ceci est d’autant plus cruel qu’en effet, le Secrétaire d’État a raison à court terme : lors d’une crise de demande massive, comme celle que traverse notre économie, le nombre d’emploi ressemble à un gros gâteau qui n’augmente pas -la demande étant insuffisante pour inciter les entreprises à accroître leur production, et à embaucher pour cela.

Mais ce raisonnement ne vaut que dans des circonstances exceptionnelles et à court terme. Sur le long terme, le nombre d’emplois s’ajuste globalement au nombre d’actifs. Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement : tout actif est par définition capable de travailler et, pour autant que le marché assume sa fonction coordinatrice, il n’y a aucune raison qu’il ne puisse échanger sa production, ou ses capacités productives, avec d’autres acteurs. Plus le nombre d’actifs grandit, plus la production s’accroît. C’est pour cela que le taux de croissance potentielle d’une économie ne dépend que de deux choses : ses gains de productivité et la croissance de sa population active. Le gâteau ne possède pas une taille intangible : il grossit avec le nombre de convives – pour la simple raison que chaque convive en produit sa part.

Nombre d'emplois rapportés à la population active en France de 1968 à 2005.

Et c’est bien ce qui s’est passé en France jusqu’à la crise de 1975. Le problème de la France est le fait que son économie n’a jamais été capable de récupérer, par la suite, durant les phases de croissance rapide, par des créations d’emplois plus importantes que celle de l’augmentation de la population active, les conséquences des périodes de croissance faible ou négative, qui entraînent une croissance du nombre d’emplois plus faible que la population -voire même des destructions d’emplois. Les créations d’emploi soutenues entre 1985-1990 et 1997-2001 n’ont pas compensé les périodes de destruction (1975 ; 1984-1985 ; 1991-1993) ou de faible croissance.

C’est cela qui caractérise en propre l’économie française (et, dans une moindre mesure, les économies européennes), notamment en comparaison avec les États-Unis, où ce phénomène ne s’est pas produit. L’économie américaine a même inséré des dizaines de millions de travailleurs immigrés.

Article publié initialement sur le blog Sans rationalité et sans finalité sous le titre Exclusif : Frédéric Lefebvre est favorable aux 35 heures.

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Migrants tunisiens: la France dans un sale Etat http://owni.fr/2011/07/11/migrants-tunisiens-schengen-botzaris-france-etat/ http://owni.fr/2011/07/11/migrants-tunisiens-schengen-botzaris-france-etat/#comments Mon, 11 Jul 2011 16:24:02 +0000 Pierre Deruelle http://owni.fr/?p=73358

Le peuple français est né d’une mère chrétienne et d’un père inconnu… Je dis père inconnu parce que la France est et a toujours été une nation d’immigrants.

Andre Frossard (1915 – 1995) – journaliste, essayiste, membre de l’Académie française

Un peu d’histoire dans le sang

La “Révolution tunisienne de 2010-2011″ ou “Révolution de jasmin” est une suite de manifestations non violentes et de sit-in, qui, au bout quatre semaines en décembre 2010 et janvier 2011, ont abouti au départ forcé de Zine el-Abidine Ben Ali, en poste depuis 1987.

Plus de 20.000 Tunisiens ont quitté leur pays après la chute du régime, le 14 janvier.

Avec un taux de chômage qui atteint 14,2%, nombre d’entre eux ont quitté leur sol natal pour tenter “d’améliorer leur existence” ou “laisser les places de travail aux autres” selon les dires de certains.

Il n’est peut-être pas inutile ici de rappeler qu’entre le 12 mai 1881 et le 20 mars 1956, la Tunisie fut un protectorat français, et que son aide militaire fut loin d’être négligeable, ce qui est un euphémisme.

En 1884, l’armée française crée le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (4e R.T.T.), comprenant six bataillons de 600 hommes chacun en 1899. Les faits d’armes des tirailleurs tunisiens leur valent Croix de guerre, Médaille militaire et Légion d’honneur, six citations à l’ordre de l’armée (et par conséquent l’attribution de la fourragère rouge), ainsi qu’une participation au défilé du 14 juillet 1919.

Le général Weygand dans son Histoire de l’Armée française (1953) et le décrit comme :

Une unité d’élite qui porte la croix de la légion d’honneur à son drapeau.

En 1944, après les combats du Belvédère (Monte Cassino – Italie) du 24 janvier au 11 février 1944, le 4e R.T.T. sera bien plus que décimé : les trois quarts des cadres sont tués ou blessés, 279 hommes sont tués (dont 15 officiers), 426 hommes sont portés disparus (dont 5 officiers) et 800 hommes sont blessés (dont 19 officiers), soit au total les deux tiers de l’effectif engagé dans les combats.

Quelques mois plus tard, le 4e R.T.T. sera le premier régiment français à pénétrer en Allemagne en 1945. Il participera aussi à la guerre d’Indochine jusqu’en 1955.

Les liens qui unissent la France et la Tunisie se sont aussi forgés côte à côte dans le sang sur les champs de bataille, ce qui est un point non négligeable de l’histoire de France. Qu’il convient peut-être de rappeler.

De Lampedusa à Paris

Le premier réflexe de l’Europe, ensemble de pays qui compte plus de 500 millions d’habitants, face à ce qui est non pas un flux migratoire mais plutôt un afflux ponctuel de migrants, a été de se recroqueviller sur elle-même.

Invoquant à tour de rôle le risque d’un “appel d’air”, ou le “danger d’être envahi”, S. Berlusconi et N. Sarkozy se sont prononcés en faveur de la remise en cause des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union Européenne.

Quand les peuples demandent leur liberté, la France sera à leur côté.

Mise dans le contexte du traitement réservé aux Tunisiens à leur arrivée en France, cette phrase prononcée par Nicolas Sarkozy en mai 2011 sonne comme un mensonge éhonté.

Selon Le Monde du 1er mai, la France souhaitait pourtant faciliter l’arrivée de travailleurs tunisiens sur son sol. Pour cela, Paris se base sur un accord signé en 2008 avec Tunis qui prévoit un objectif de 9 000 entrées par an dont 3 500 salariés. Or, seuls 2 700 Tunisiens sont arrivés  en France au cours de l’année 2010.

La délivrance par l’Italie de titres de séjours aux migrants tunisiens échoués à Lampedusa, grâce à la Convention de Schengen qui leur permettaient de venir librement en France a entraîné la réaction immédiate de Claude Guéant :

Il ne suffit pas d’avoir une autorisation de séjour en Italie pour venir en France.

Son ministère a donc émis, le 5 avril, une circulaire [PDF] établissant des critères stricts. Les intéressés sont ainsi notamment sommés d’avoir un minimum de ressources (31 euros par jour à condition d’avoir un hébergement, 62 euros dans le cas inverse) sur eux, en plus de leur titre de séjour.

L’article 5 de la Convention de Schengen signale que l’intéressé doit avoir “des moyens de subsistance suffisants” et ne fixe pas de montant précis : le migrant, doit “être en mesure d’acquérir légalement ces moyens”.

Ne peut-on considérer que deux bras, deux jambes, la volonté et l’envie de bosser sont des moyens suffisants ?

On notera que si les gouvernants sont fort prompts à faire adhérer les citoyens à la libre circulation des marchandises et des biens en Europe, il semble que les migrants soient une forme de marchandise bien plus encombrante, quelque part entre le traitements des déchets toxiques et la gestion du bétail.

J’exagère ? Peut-être. Ou pas.

Les contrevérités gouvernementales

On notera tout d’abord qu’il y a en France moins d’immigrés en 2011 qu’au début du XXe siècle.

Là où le discours gouvernemental s’effondre, c’est comme souvent à regarder les chiffres : les bénéfices issus de l’immigration sont supérieurs à ses coûts pour les pays d’accueil, selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

En 1999-2000, les immigrés ont rapporté au Royaume-Uni 4 milliards de dollars de plus en matière d’impôts. Aux États-Unis, l’immigration a généré un revenu national supplémentaire de 8 milliards de dollars en 1997.

Quant à la concurrence dans le domaine de l’emploi, l’OIM rappelle qu’en Europe occidentale, “il est rare que les immigrés et les travailleurs locaux se trouvent en concurrence directe”, les premiers occupant fréquemment “des emplois que les nationaux sont soit dans l’incapacité soit peu désireux d’occuper”.

Deuxième constat, les immigrés ne pèsent pas sur les comptes sociaux, si l’on croit une étude [en] du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). S’ils pèsent sur les caisses chômage , en revanche, ils ne pèsent pas sur les caisses de santé et de retraite.

Toujours selon le Cepii, les immigrés réduisent le poids fiscal du vieillissement démographique. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a récemment montré qu’un accroissement des entrées de 50 000 par an pourrait réduire le déficit des régimes de retraites d’un demi-point de PIB à l’horizon 2050.

Le problème des migrants tunisiens ne serait donc pas économique, mais bien politique.

M. Claude Guéant réécrit ainsi la Convention de Schengen à sa sauce. Reste à savoir pourquoi.

Le contexte électoral

Nicolas Sarkozy chercherait à reproduire un “21 avril” en 2012, espérant affronter Marine Le Pen au second tour. Cette hypothèse a notamment été confirmée sur France 2 par un “proche de Nicolas Sarkozy” au cours de l’émission Complément d’enquête.

Décryptant la stratégie élaborée par Patrick Buisson, conseiller de l’Élysée et ancien directeur de Minute, charmant journal d’extrême droite, ce témoin anonyme raconte que la manœuvre consiste à créer “dans l’esprit public des stress complémentaires sur les sujets immigration, sécurité” pour en faire “une marotte, une obsession”, et ainsi amener le débat sur un terrain sur lequel la gauche française est en général mal à l’aise.

Et les Tunisiens font de parfaits boucs émissaires. Plus les CRS interviennent, plus la stratégie de Sarkozy prend corps. Plus les médias en feront des gorges chaudes, et plus le candidat Sarkozy se frotte les mains.

Je dis bien candidat Sarkozy, car il est évident que cette tactique n’a plus rien de l’attitude responsable d’un homme politique en charge de gérer la cohésion d’une nation et de ses différentes composantes, fussent-elles venues de pays voisins.

Sur la question des boucs-émissaires, Hakim Karoui écrit dans L’avenir d’une exception :

Dans la société française, les boucs émissaires ont été les juifs, mais aussi, au Moyen Âge, les « Lombards », à l’époque moderne, les protestants ou les catholique selon les camps, les agents royaux (du fisc par exemple) ou inversement les mendiants ou les prostituées, les « aristocrates » et parfois les prêtres à la Révolution; les « capitalistes », les « bourgeois » à l’époque contemporaine, les immigrés non encore assimilés à toutes les époques. Aujourd’hui, le bouc émissaire, ce sont les Arabes. Demain, ce seront peut-être les Noirs ou les Chinois. Les Arabes, parce qu’ils portent encore une différence (leur nom, leur religion) mais aussi et surtout parce que la société française se rend compte qu’ils sont de moins en moins différents. Leur différence apparaît alors d’autant plus importante qu’elle est finalement de plus en plus résiduelle.

Diviser pour mieux régner, nul besoin d’avoir lu Machiavel pour comprendre. Que nous soyons tous membres de l’espèce humaine s’oublie vite, semble-t-il, à quelques mois des élections.

Grossière erreur de jugement. C’est oublier de considérer que des jeunes gens (dont certains sont des mineurs) qui ont tout quitté, famille et amis, qui ont voyagé sur des embarcations de fortune, et ont réussi à survivre jusqu’au pied de nos immeubles, sont des forces dont la valeur humaine n’est plus à démontrer. Quelle volonté ne faut-il pas pour accomplir ce périple? Quel courage ? Quelle envie de vivre, d’avancer ?

Avons-nous plus peur d’eux qu’ils ont eu peur de partir à l’aventure, sans certitude ?

Ce sont donc actuellement environ 600 Tunisiens qui se trouvent à Paris, certains entassés dans des gymnases, d’autres dormant dans les parcs ou le long des bouches de métro.

Si la Mairie de Paris a voté des levées de fonds pour leur venir en aide, il apparaît que les structures d’accueil sont déficientes, trop peu nombreuses, souvent insalubres. L’Europe ne leur viendra pas en aide. Le gouvernement leur envoie les CRS. La mairie de Paris les déloge pour des raisons fallacieuses (Gymnase Fontaine au Roi).

Et ce sont de simples citoyens qui leur viennent en aide, comme ils peuvent.

Le cas #Botzaris36

Je ne raconterai pas ici ce qui se passe entre le 36 rue Botzaris et le parc des Buttes-Chaumont. Parce que je ne me suis pas rendu sur place, j’en serais donc fidèlement incapable, tandis que d’autres y sont jour et nuit, et en parleront concrètement mieux que moi.

Écœuré par cette situation hypocrite, indigne d’un état de droit, j’ai fait le choix de consacrer mon compte Twitter à ce sujet unique depuis plusieurs semaines.

Pour le caractère inhumain du traitement réservé aux Tunisiens d’une part (« comme des bêtes »), et parce que je le considère comme révélateur de l’état d’esprit dans lequel la petite gue-guerre électorale des partis majoritaires a plongé ce pays.

Si quelques médias se sont penchés sur le problème des migrants, il convient d’expliquer ici la relative omerta d’une partie de la presse française. Et c’est encore Le Canard Enchainé qui s’y colle dans un article intitulé “Quand le gratin de la presse française bronzait aux frais de Ben Ali”.

Je vous invite également à lire entre autres les articles suivants, et bien-sûr à faire vos propres recherches.

@OWNI :

Botzaris, territoire annexé par l’ambassade de Tunisie

@menilmuche :

Les Tunisiens de Botzaris embarqués par la police

Les Tunisiens du gymnase à la rue

La visite de Pascal Terrasse, député de l’Ardèche :

Être né quelque part

@LeClown :

Pourquoi les Tunisiens doivent sauver Botzaris36

Pour venir en aide aux migrants, une association « action tunisienne » vous fournira les renseignements nécessaires.

N’étant ni journaliste, ni chroniqueur, ni écrivain, je me suis exprimé ici en tant que simple citoyen français.

Billet initialement publié sur le Tumblr de Pierre Deruelle

Illustrations CC FlickR par skinny79, Wassim Ben Rhouma, Antonio Amendola Photography et empanada_paris

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http://owni.fr/2011/07/11/migrants-tunisiens-schengen-botzaris-france-etat/feed/ 12
L’art et la manière d’interpréter les sondages http://owni.fr/2011/05/24/lart-et-la-maniere-dinterpreter-les-sondages/ http://owni.fr/2011/05/24/lart-et-la-maniere-dinterpreter-les-sondages/#comments Tue, 24 May 2011 08:47:18 +0000 Denis Colombi (Une heure de peine) http://owni.fr/?p=64065 Un sondage tombe toujours comme un arbre dans la forêt : il ne fait du bruit que s’il y a quelqu’un pour l’entendre. Le problème, comme le fait remarquer Terry Pratchett, c’est qu’il y a toujours quelqu’un : habitants de la forêt, animaux, insectes, parasites et autres. En matière de sondage, on a l’équivalent : hommes politiques, commentateurs et éditorialistes peu scrupuleux, chroniqueurs divers… Nul doute qu’ils vont se repaître avec gourmandise pour les années à venir de ce nouveau résultat :

Près d’un jeune sur trois souhaite être fonctionnaire.

Il ne reste plus qu’à s’asseoir et à attendre patiemment le début de la rumeur, puis de la curée, des commentaires culturalistes qui vont s’appuyer sur un tel chiffre – qui perdra bien assez vite son origine pour devenir une vérité tenant d’elle-même – pour nous expliquer que, décidément, la France a un problème avec les entreprises, que les jeunes Français manquent de cette volonté d’entreprendre, cet esprit d’initiative, cette disposition générale de l’entrepreneur seul contre tous, debout au bord d’une falaise avec le vent dans les cheveux qui seule pourrait nous sauver des Chinois qui vont nous bouffer.

Ce n’est pas la première fois : il y a peu de temps encore, on pouvait entendre dire, sans savoir d’où cela venait, que 75% des jeunes voulaient devenir fonctionnaire. Ce ne sera pas la dernière. Il faut malheureusement reconnaître que la répétition d’une même farce finit par avoir quelque chose de tragique.

Pourquoi ne pas titrer sur le privé ?

Il suffit, pour se convaincre que c’est là le destin qui attend ce chiffre, de lire un peu plus l’article du blog du Monde Question(s) Sociale(s) que je prends en référence. Son titre est clair : “Près d’un jeune sur trois souhaite être fonctionnaire”. Mais lorsque l’on lit un peu plus avant, on tombe sur ceci:

La proportion de jeunes attirés par le statut de salarié du privé est également nettement plus marquée que la moyenne (27%, + 8 points), tout comme celle de ceux qui se verraient bien en travailleurs indépendants (24%, + 4 points), précise ce sondage effectué selon la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1139 personnes représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus.

Pourquoi l’auteur de l’article n’a-t-il donc pas titré “Un jeune sur quatre souhaite travailler dans le privé” ou “Près d’un jeune sur quatre voudrait devenir travailleur indépendant” ? Si l’on fait mine de prendre au sérieux ce sondage, ce sont là des résultats tout aussi significatifs et importants. La différence avec la moyenne nationale est même plus marquée pour ceux qui veulent travailler dans le privé que pour ceux qui veulent rejoindre les rangs des fonctionnaires (“+4 points par rapport à la moyenne nationale” nous précise l’article).

C’est donc que ce résultat s’inscrit dans un cadre idéologique bien particulier qui, soit par l’intention consciente du commentateur, soit par le poids que font peser les débats passés sur l’écriture présente, pousse à privilégier cette information là sur les autres. Les autres commentaires suivront, dans les colonnes du Figaro ou dans la bouche d’Alain-Gérard Slama et consorts, pour expliciter ce qui n’est ici qu’implicite : que tant de jeunes veuillent perdre leur vie à devenir fonctionnaire est un problème pour la France.

Il y a quelque chose d’admirable dans la capacité qu’a le débat public à brasser ainsi du vent. Car c’est bien ce que fait ce sondage : agiter, avec une force et une conviction peu commune, de l’air. Je l’ai dit précédemment : le plus gros problème avec le sondage n’est pas dans leur méthodologie mais dans la capacité de ceux qui les commentent à les interpréter. Ceux-là se laissent prendre par un piège positiviste qui prêtent une objectivité et une évidence au chiffre en tant que tel : un sondage dit forcément quelque chose puisque c’est un chiffre ! Et un chiffre, c’est simple à lire ! Pourtant ce chiffre de 30% des jeunes souhaitant devenir fonctionnaire ne nous dit strictement rien.

En effet, qu’est-ce que cette question :

Dans l’idéal,vous souhaiteriez être / auriez aimé être …? (une seule réponse possible)

avec comme proposition de réponse :

Fonctionnaire ; Travailleur indépendant (comme artisan, commerçant…) ; Salarié du privé ; Profession libérale ; Homme/Femme au foyer ; Ne se prononce pas

Que veut dire fonctionnaire ? La fonction publique est malheureusement pour les sondeurs quelque chose de vaste et de complexe : à peine quelques millions de membres… Et les représentations de ce qu’est un fonctionnaire ne sont pas simples : on y confond facilement la fonction publique territoriale et d’État, les contractuels et les titulaires, les différentes catégories, etc.

Question à interprétations multiples

Que peut donc vouloir dire ce terme pour les répondants ? Sans doute des choses très différentes : certains ont en tête un poste précis, et auraient souhaité devenir enseignant ou conservateur du patrimoine ou professeur au Collège de France ou facteur, d’autres n’y attachent que l’idée que c’est un emploi de bureau, éloigné des difficultés du travail ouvrier auquel ils ont pu être confronté – les jeunes interviewés par Stéphane Beaud par exemple -, d’autres encore ne doivent y voir qu’un poste tranquille et protégé et hésiteraient peut-être si on leur proposait de devenir militaire ou policier…

Bref, on agrège ici des réponses qui ont des origines tellement différentes, des raisons, des justifications et des causes qui sont si diverses, que l’on ne peut strictement rien en dire : impossible d’en inférer, par exemple, un refus de la concurrence ou une paresse bien française, car certains espèrent trouver dans la fonction publique un travail qui fasse sens pour eux et d’autres seront attirés par les postes de pouvoir… Aucun commentaire n’est possible. C’est la conclusion à laquelle devrait parvenir toute personne qui se pencherait un peu sur ce chiffre.

Il aurait été possible pourtant d’avoir des informations plus précises, soit en posant une série de questions sur les préférences des individus en matière d’emploi (“préféreriez-vous un salaire élevé ou un faible risque de perdre votre emploi ?”, “Quelle est la caractéristique de l’emploi qui est la plus importante pour vous ?”, etc.), soit en proposant une liste d’emplois divers et en demandant aux enquêtés de les classer en fonction de leurs préférences. Mais tout cela prend du temps, en conception et en analyse. Et pour cela, ni les instituts de sondages ni ceux qui consomment leurs produits jusqu’à plus soif n’y sont bien disposés.

Un sondage nous en apprend surtout sur son commanditaire

En soi, ce sondage n’est pas sans intérêt. Mais il nous apprend plus de choses sur ceux qui l’ont commandé, conçu et commenté, et sur tous ceux qui à l’avenir l’utiliserons, que sur la population et les phénomènes qu’il prétend mettre en lumière. Il nous dit beaucoup de l’allant-de-soi concernant les problématiques de l’emploi et du travail en France. Le sondage prétend appréhender l’image que les Français, et plus particulièrement les premiers concernés à savoir les 18-24 ans, ont de la situation professionnelle des jeunes. Mais cette situation professionnelle se résume en fait à des questions sur l’emploi : ni sur le contenu du travail, ni sur les conditions de celui-ci. La question privilégiée est celle de l’obtention d’un emploi, et les questions tournent essentiellement autour de l’optimisme ou du pessimisme des jeunes.

C’est dans ce cadre-là que l’on peut mieux comprendre le sens de l’échelle proposée dans le sondage “Fonctionnaire ; Travailleur indépendant (comme artisan, commerçant…) ; Salarié du privé ; Profession libérale ; Homme/Femme au foyer ; Ne se prononce pas”. Ce que doit mesurer, dans l’esprit de ceux qui ont fait le sondage, cette échelle est très probablement le risque et l’optimisme des jeunes, – “Fonctionnaire” constituant, semble-t-il, le degré le plus bas. L’interprétation est presque déjà écrite donc. La curée peut commencer.


Crédits Photo FlickR by-sa hfabulous / by-nd alibaba0

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Manifeste ¡ Democracia real ya ! http://owni.fr/2011/05/22/manifeste-democracia-real-ya-democratie-maintenant/ http://owni.fr/2011/05/22/manifeste-democracia-real-ya-democratie-maintenant/#comments Sun, 22 May 2011 16:47:08 +0000 Admin http://owni.fr/?p=63951 Voici une traduction en français, par le collectif lyonnais Rebellyon, du manifeste du mouvement ¡Democracia Real Ya! A l’initiative de plusieurs organisations sociales, d’associations citoyennes, des manifestations étaient organisées la journée 15 mai dernier sur les places des principales villes espagnoles pour protester contre les méthodes de gestion de la crise du gouvernement Zapatero.

MANIFESTE

DEMOCRACIA REAL YA ! NO SOMOS MERCANCIA EN LAS MANOS DE LOS POLITICOS Y DE LOS BANQUEROS

Nous sommes des per­son­nes ordi­nai­res. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour tra­vailler ou pour cher­cher un boulot, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui tra­vaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entou­rent.

Parmi nous, cer­tain-e-s se consi­dè­rent plus pro­gres­sis­tes, d’autres plus conser­va­teurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéo­lo­gies très défi­nies, d’autres se consi­dè­rent apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous très préoc­cupé-e-s et indi­gné-es par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale autour de nous. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, entre­pre­neurs, ban­quiers… Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.

Cette situa­tion nous fait du mal quo­ti­dien­ne­ment ; mais, tous ensem­ble, nous pou­vons la ren­ver­ser. Le moment est venu de nous mettre au tra­vail, le moment de bâtir entre nous tous une société meilleure.

Dans ce but, nous sou­te­nons fer­me­ment les affir­ma­tions sui­van­tes :

L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

Des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.

Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle au progrès de l’humanité.

La démocratie part du peuple (demos = peuple et cracia = gouvernement), par conséquent le gouvernement doit être le peuple. Cependant, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix jusqu’aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe et aussi, de procurer le plus de bienfaits possibles à la majorité de la société. Et non pas, celles de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE .

Prends la rue le 15 mai !

La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité -le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.

La volonté et le but du système sont l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.

Nous, citoyens, faisons partie de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.

Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une rentabilité économique abstraite qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons éliminer les abus et les carences que nous subissons tous.

Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Être Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.
A la vue de cela, je suis indi­gné/e.

Je crois que je peux chan­ger les choses.

Je crois que je peux aider.

Je sais que, tous ensem­ble, nous le pouvons.

Sors avec nous. C’est ton droit.

Paix et Amour - Que les gens violents restent chez eux - Pour un 15 mai courageux


Publié initialement sur le site de Democracia Real Ya

Traduit par le collectif Rebellyon.info

Traduction additionnelle : Ophelia Noor

Illustrations et photos CC FlickR: Henrique PF

Les affiches sont téléchargeables sur le site de Democracia Real Ya

Retrouvez tous les articles de notre Une Espagne sur OWNI (illustration de Une CC Flickr Le Camaleon)
- Comprendre la révolution espagnole
- Jose Luis Sampedro: “la vie ne s’arrête pas”

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Revenu garanti, travail choisi http://owni.fr/2011/03/17/revenu-garanti-travail-choisi/ http://owni.fr/2011/03/17/revenu-garanti-travail-choisi/#comments Thu, 17 Mar 2011 18:38:23 +0000 Stanislas Jourdan & Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=52019 L’allocation universelle n’a rien d’une idée neuve. En revanche, elle a tout d’une idée marginale : utopique, sociale, portée par des mouvements alters… Les divers écoles de pensées qui tiennent au revenu minimum n’ont jamais réussi à percer le plafond de verre des médias grand publics. Malgré la tentative de Christine Boutin en 2003, ce débat là était resté verrouillé.

C’est pourquoi, en annonçant sur le plateau du JT de France 2, le 24 février 2011, son intention de proposer la mise en place un “revenu citoyen” de 850€, Dominique de Villepin suscite enthousiasme de ceux qui depuis longtemps défendent l’idée. Et si Villepin venait de briser un tabou ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La remise en cause du travail comme seul mode d’existence sociale

Car, en touchant au lien considéré comme sacré entre rémunération et travail, c’est à un pilier de la société moderne que l’on s’attaque : de l’obtention d’un crédit à la consommation à la location d’un appartement, d’une discussion entre amis à la présentation à la belle famille, l’emploi salarié est une norme sociale d’une puissance terrible. Sociologue du travail, Yolande Bennarosh décrypte ainsi cette « centralité historique du travail » :

[Elle] se résume essentiellement dans les couples droit-devoir, droit-obligation, contribution-rétribution qui impriment une conception du vivre-ensemble où c’est la contribution de chacun à la société qui le légitime à en attendre quelque chose en retour et lui assure la reconnaissance des autres. […] il devient, du même coup, le vecteur principal de l’identité personnelle et sociale.

De cette conception du travail comme seule façon « d’être en société » découle le fameux sentiment de malaise due à l’inutilité des chômeurs. Enfermé dans ce cocon anxiogène où il se répète qu’il ne « contribue pas à l’œuvre collective », le non-salarié est mûr pour les discours culpabilisant de Pôle Emploi et autres instituts de placement qui lui font porter personnellement la responsabilité de son inactivité. Un jugement d’autant plus injuste qu’avec la massification du chômage, il relève de la pirouette intellectuelle de transformer un fait de société en tragédie individuelle (même si l’exercice est devenu un classique du genre, notamment dans la lutte contre la toxicomanie).

Or, dissocier revenu et travail constitue justement une manière de répondre à cette angoisse sociale. Dans le régime actuel, la rémunération ne récompense qu’un seul type de contribution : le travail salarié. Une société qui distribuerait de manière « inconditionnelle » un revenu ne viserait à rien d’autre qu’à l’inclusion (par opposition à l’exclusion) de tous ses membres, laissant à chacun la liberté de choisir la façon dont il souhaite oeuvrer pour la collectivité. Un principe décrit par Alain Caillé (fondateur du Mouvement Anti-utilitariste dans les sciences sociales, ou Mauss) comme une « inconditionnalité conditionnelle ».

Donner aux citoyens le choix de leur contribution à la société

Et les réactions des bénéficiaires d’un revenu universel sont loin de la caricature de paresse que certains critiques agitent en épouvantail. Dans un village de Namibie où fut instauré un revenu minimum garanti, le chercheur Herbet Jauch fut lui-même surpris de l’effet de cette « manne » sur les habitants :

Nous avons pu observer une chose surprenante. Une femme s’est mise à confectionner des petits pains ; une autre achète désormais du tissu et coud des vêtements ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup toute une série d’activités économiques apparaître dans ce petit village.

Assurés de leur subsistance par la puissance public, les citoyens cherchent des moyens de contributions pertinents au projet commun, des « activités chargées de sens aux yeux des individus eux-mêmes ». Un paradoxe plein de promesses : en donnant à chacun des chances égales de survie financière, cette expérience de revenu garanti a permis aux habitants de se ré-approprier le fonctionnement de leur société.

Réconcilier l’Homme et la machine

Mais l’enthousiasme des convaincus de l’allocation universelle se heurte souvent au mêmes doutes : si le travail n’est plus nécessaire pour vivre, qui continuera à occuper les emplois difficiles et mal payés, mais néanmoins nécessaires à la société ? Qui fera le métier de caissière, ira balayer les rues, ramasser les poubelles, et assurer l’entretien dangereux des centrales électriques ?

Selon David Poryngier du Mouvement des Libéraux de Gauche, il faut relativiser ces craintes  :

Au rythme où les caissières sont remplacées par des machines dans les supermarchés, je ne pense pas que ça soit une question critique. Plus sérieusement, on peut attendre un rééquilibrage du rapport de forces entre employeurs et travailleurs, au profit de ces derniers, dans les métiers les plus pénibles et les moins valorisants. Tout le contraire de la situation actuelle, où le chômage endémique tire les salaires vers le bas et prohibe toute négociation sur les conditions et les horaires de travail. Qui s’en plaindra ?

La rémunération inconditionnelle du travail pourrait “revaloriser” les métiers pénibles en leur garantissant un meilleur revenu, renversant le dumping social qui s’impose comme règle des échanges entre pays riches et pays à faibles coûts de main d’oeuvre.

Quant à l’hypothèse d’une substitution de l’homme par la machine pour les tâches ingrates, il permettrait d’inscrire la proposition d’allocation universelle dans la continuité des grandes luttes sociales de l’entre-deux guerres. Une sorte de nouveaux « congés payés » où, aux nouveaux choix de vie donnés par le temps libre, s’ajouteraient celui de l’occupation du temps de travail.

Pour en finir avec la « valeur travail »

Vu sous l’angle du rapport au travail, l’idée de l’allocation universelle s’impose comme une réforme subversive. En renversant le rapport au travail et à sa valorisation dans la société, il met sens dessus-dessous le fondement des débats électoraux des dernières années axés sur le pouvoir d’achat. Car, tandis qu’en 2007, un certain Nicolas Sarkozy était élu sous le slogan du « travailler plus pour gagner plus » et de la fameuse « valeur travail », et qu’à gauche, on nous promettait le retour du plein emploi salarié, l’allocation universelle nous propose un voie alternative vers l’utilité sociale choisie.

Retrouvez notre dossier spécial sur le revenu citoyen :

Crédits photo FlickR CC : dunechaser / Jordan Prestot

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