OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le CNN ne fait pas de fleur http://owni.fr/2012/07/06/le-cnn-ne-fait-pas-de-fleur/ http://owni.fr/2012/07/06/le-cnn-ne-fait-pas-de-fleur/#comments Fri, 06 Jul 2012 10:42:54 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=115577

Ça n’avait pas très bien commencé. Et risque de se finir en queue de poisson : la quasi totalité du Conseil national du numérique (CNN) a annoncé hier soir sa démission. Ou presque.

PKM: “Faire du CNN un aiguillon de la politique numérique”

PKM: “Faire du CNN un aiguillon de la politique numérique”

Entretien avec Pierre Kosciusko-Morizet, boss de PriceMinister en charge de donner forme au Conseil national du numérique, ...

Plus diplomatiquement, les membres de cette instance consultative mise en place par Nicolas Sarkozy, ont décidé “de remettre leur mandat à la disposition du Président de la République et du gouvernement”, peut-on lire dans le communiqué officiel. Mais sur le compte Twitter de Marie-Laure Sauty de Chalon (à la tête d’Aufeminin.com), il est bel et bien question de démission.

Plus tôt dans la journée, on apprenait via Twitter que Jean-Baptiste Soufron, conseiller de Fleur Pellerin, la ministre en charge des questions numériques, s’apprêtait à migrer de Bercy au CNN. Une information d’abord démentie, puis confirmée dans un communiqué officiel : l’ancien directeur du think tank numérique Cap Digital prendra la place de secrétaire général du cénacle. Il remplace Benoit Tabaka, juriste de formation aujourd’hui lobbyiste chez Google.

Plus qu’un simple parachutage, la décision du gouvernement se double d’une “réflexion sur la gouvernance du numérique, notamment sur le rôle du Conseil National du Numérique”, peut-on lire sur le communiqué. Une “mission” précisément confiée à Jean-Baptiste Soufron. En clair, les choses vont bouger et c’est Bercy qui est à la manœuvre.

Un désir d’ingérence manifeste qui n’a visiblement pas plu aux entrepreneurs du Conseil national du numérique. Seul Gilles Babinet, son ancien président, n’a pas suivi le mouvement. Il y a quelques semaines, Bercy le nommait “digital champion auprès de la Commission européenne.” De nouvelles fonctions qui n’ont rien à voir avec sa décision, assure-t-il à La Tribune :

Je n’ai pas démissionné car il me semblait tout à fait anormal de prendre une décision aussi extrême sans même une conversation avec Fleur Pellerin.

Dès le départ, le CNN a été frappé du sceau politique. Envisagée dans le Plan France numérique 2012, l’idée a finalement été oubliée au fond d’un tiroir, avant d’être récupérée par Nicolas Sarkozy aux alentours de fin 2010. Pour finalement se concrétiser en avril 2011, sous l’égide de l’Élysée. Et dans un format allégé : circonscrit aux seuls entrepreneurs du secteur sélectionnés par le chef de l’État, le CNN a rapidement été perçu comme le “Medef du numérique”, sorte de vaisseau amiral de l’e-sarkozysme.

L’Élysée drague le numérique

L’Élysée drague le numérique

Nicolas Sarkozy a présenté ce midi le CNN, ou Conseil national du numérique, nouvelle instance de 18 sages appelée à ...

C’est peu dire que dans ces conditions, ses membres ont eu à cœur de démontrer leur indépendance tout au long de ces derniers mois. Et le départ de Nicolas Sarkozy n’y changera rien.

Une chose est sûre, les intentions du gouvernement sur le numérique semblent enfin se préciser. Jusqu’alors, l’avenir du CNN restait incertain : suppression pure et simple ou ravalement de façade ? François Hollande s’était montré peu prolixe en matière d’Internet alors qu’il était encore candidat au fauteuil présidentiel. “Aucune ligne définitive” n’était tranchée selon Fleur Pellerin, déjà responsable du dossier lors de la campagne. Mais la ministre ne cachait pas alors son intention de rompre avec le Conseil, dont elle se disait insatisfaite. Sans toutefois nier l’utilité d’une telle instance, comme elle l’indiquait sur Rue89 :

Mais dans l’absolu, je ne trouve pas idiot qu’il existe un comité d’experts.

Finalement, la rénovation semble être préférée à la destruction de fond en combles. Reste à savoir sous quelles formes le CNN renaîtra de ses cendres. Du côté du cabinet de Fleur Pellerin, on assure que la décision épidermique des actuels membres du CNN facilite la tâche de rénovation, peut-on lire dans La Tribune. Côté Conseil en revanche, on redoute que le gouvernement n’ait aucune idée de ce qu’il veut en matière de numérique. Sentiment de “gâchis”, lisible en filigrane dans la déclaration du CNN :

Le numérique est une chance pour la France, si nous savons la saisir…

Trois petits points qui en disent long.


Illustration CC FlickR rsepulveda

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Nouveau lobbyiste chez Google France http://owni.fr/2012/05/14/goole-france-tabaka-lobbyiste/ http://owni.fr/2012/05/14/goole-france-tabaka-lobbyiste/#comments Mon, 14 May 2012 20:28:22 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=110210

Benoit Tabaka

C’est ce qu’on appelle une belle prise. Le landerneau numérique en est déjà tout émoustillé : le secrétaire général du Conseil National numérique (CNN) Benoit Tabaka devrait rejoindre la team des lobbyistes de Google France d’ici l’été.

Sarkozy attaque Internet

Sarkozy attaque Internet

Nous avons cartographié le réseau d'influence sur Internet du Président de la République - le plus puissant comparé aux ...

Le temps d’assurer la transition avec l’instance consultative créée il y a près d’un an sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, qu’il a intégrée en octobre.

Une bien mauvaise nouvelle pour le CNN, dont la pérennité est plus qu’incertaine sous la Présidence de François Hollande. Une aubaine en revanche pour Google France, qui a su pêcher le bon poisson pour se dépêtrer de ses ennuis fiscaux.

Châteaux de sables

Car s’il est inconnu du grand public, Benoit Tabaka est un personnage “incontournable et hyperactif” du petit monde du Net français.

C’est d’ailleurs en ces termes que nous le placions, fin janvier dernier, au centre d’une application représentant les différents acteurs de cet écosystème. Un archipel numérique qu’il connaît comme sa poche : Benoit Tabaka y fait depuis longtemps des “châteaux de sable” , bien au-delà des seules frontières du CNN.

Du Conseil, il en est l’un des principaux artisans. A la demande d’Éric Besson, il en rédige les principales orientations aux côtés de Pierre Kosciusko-Morizet. Il est alors encore en charge des “affaires juridiques et réglementaires” du site de vente en ligne Price Minister, où il restera quatre ans.

Ce juriste de formation met également ses compétences à profit au sein du Forum des droits sur l’Internet, sorte d’ancêtre du CNN, de 2002 à 2006. Il a également fait un passage à l’Asic (Association des sites Internet communautaires, qui défend les intérêts de sites tels que Facebook, Google, Dailymotion…), auprès de Giuseppe de Martino (Dailymotion), actuel camarade du CNN, et Olivier Esper (Google), sous les ordres de qui il devrait bientôt travailler.

Benoit Tabaka profite aussi de son temps libre pour prendre le pouls du Net. Sur Twitter, où il dissèque les dernières actualités de la régulation du réseau auprès de quelques 3600 followers, ou sur son blog, où il brasse des questions aussi diverses que le e-commerce, la propriété intellectuelle ou la responsabilité des hébergeurs. Le tout avec humour, et bonhommie : loin du costume-cravate, l’influenceur se décrit comme un “funny lobbyist in favor of Internet” (“Lobbysite rigolo pro-Internet”)

Les taxes

Des atouts de taille, en sus d’un carnet d’adresses bien rempli, pour quiconque cherche à se refaire une beauté dans l’e-univers hexagonal. Google correspond pile-poil au profil. Avec un contrôle fiscal en cours, et de multiples tentatives pour parvenir à lui faire payer des impôts en France, le mastodonte du web a fort à faire dans cette région du monde, et cherche logiquement à y renforcer son équipe de lobbyistes.

À en croire les récentes déclarations du clan Hollande, le géant de Mountain View n’est pas au bout de ses peines en matière fiscale. “C’est un sujet clé qu’il aurait fallu aborder dès 2007, ou même quand Nicolas Sarkozy était ministre du budget” écrit dans son blog Fleur Pellerin, la responsable numérique du candidat socialiste nouvellement élu. Qui accuse d’un même geste l’ancien Président d’avoir préféré à la “taxation du web” la visite du “QG Potemkine de Google à Paris.”

Benoit Tabaka, qui n’est pas bavard sur ses nouvelles activités, aura donc fort à faire pour défendre les intérêts de son nouvel employeur. Y compris en allant à l’encontre, parfois, de préconisations qu’il a lui-même défendues en sa qualité de secrétaire général du CNN.

Certes en juin dernier, le Conseil avait rendu un avis défavorable sur un projet de “Taxe Google”, visant à imposer les activités des géants du Net américains installés sur le territoire français. Mais n’allait pas à l’encontre du principe pour autant : seule l’efficience du dispositif était alors contestée.

Le CNN est opposé à la Taxe sur la Publicité en Ligne dans sa version actuelle […].
Pour autant, le CNN reconnait la justesse de la question posée à travers cette taxe : le véritable objectif n’est pas tant de taxer la publicité, que de chercher à faire contribuer au financement de l’Etat (et de ses réseaux) de grands groupes étrangers, établis fiscalement hors de France, mais ayant une activité significative en France.
Avis n° 3 du 10 juin 2011 Conseil national du numérique relatif à la taxe sur la publicité en ligne

Le CNN va même plus loin, en préconisant l’institution, à l’échelle européenne, d’un nouveau statut, mieux adapté aux firmes d’Internet : “l’établissement stable virtuel”, “dès lors qu’un acteur exerce des activités régulières sur Internet auprès des consommateurs en France.” Une notion qui ne va pas forcément dans le sens de Google. Reste à savoir comment Benoit Tabaka va jongler entre ses anciennes attributions (et orientations) et sa nouvelle casquette.

Pour qui sonne le Tabaka

Côté CNN, l’annonce du départ de Benoit Tabaka semble avoir sonné le glas. Pour beaucoup, la perte de celui qui coordonnait à plein temps les travaux du Conseil, composé majoritairement de chefs d’entreprises, signe la mort certaine de ce dernier.

Sans compter que les équipes de François Hollande ne se sont pas forcément montrées tendres avec cette instance, souvent perçue comme un symbole du sarkozysme numérique. Au mieux, le CNN verra sa composition repensée en profondeur. Au pire, il sera relégué dans les oubliettes de l’administration française. Rejoignant ainsi nombre de conciles et comités théodules depuis longtemps abandonnés.


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Dieu pour actionnaire http://owni.fr/2011/11/21/jean-baptiste-descroix-vernier-jbdv-portrait-cnn-rentabiliweb-sarkozy/ http://owni.fr/2011/11/21/jean-baptiste-descroix-vernier-jbdv-portrait-cnn-rentabiliweb-sarkozy/#comments Mon, 21 Nov 2011 10:46:25 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=87615

Il a le tutoiement facile. Immédiat. Un, deux mails échangés ont suffi pour que Jean-Baptiste Descroix-Vernier nous accorde une audience. “Par amitié pour ton patron”. Téléphonique, toujours, via Skype, le service d’appels sur Internet. Parce que le bonhomme ne bouge que très rarement de derrière ses écrans, isolés au cœur de sa péniche à Amsterdam. Parce qu’il est avant tout un solitaire, “à la limite de l’autisme”. “J’aime l’humanité mais je n’aime pas l’humain !” résume-t-il dans le combiné en un éclat de rire rauque. Il raconte sa participation à une émission de Mireille Dumas, diffusée ce jour sur France 3. Confession, toujours par amitié, mais qu’il dit ne pas vouloir répéter : trop invasive. “Je suis un ovni, c’est d’ailleurs drôle vu le nom de ton média !”

Le gone originaire des “caniveaux de la banlieue lyonnaise”, et qui a fait fortune sur Internet avec sa société Rentabiliweb, s’amuse des images qu’il projette dans le landernau numérique. “Ma vie n’est pas croyable. Si j’en parlais comme ça, à un mec dans un café, il prendrait ça pour du baratin.” Des clairs-obscurs que son allant direct et spontané contribue à façonner. Pour un rendu nimbé de mystères. “JBDV”, comme aiment à le désigner les initiés, se fait icône.

Une gueule qu’on n’oublie pas

Il y a le style, d’abord. Dreadlocks bien pendues et kilt en kit. La gueule pas vraiment de l’emploi, loin du portrait propret qu’on serait en droit d’attendre d’un entrepreneur de 41 ans, à la tête d’une boîte de près de 200 employés, et dont le chiffre d’affaires gonfle au fil des années, pour plafonner aujourd’hui à presque 100 millions d’euros. Mais la gueule qu’on n’oublie pas. Présentation décalée bien en phase avec les convictions, tout aussi marginales. Le fric, bien sûr, il en a profité : les Porsche, le bateau offshore à Saint Barth’, la flambe des nababs. “Un réflexe de pauvre”, qui ne “l’intéresse plus”. L’argent, il le place désormais dans “des puits en Afrique, des centres pour les animaux maltraités”. L’homme dit avoir légué toute sa fortune à des œuvres.

“J’ai créé Rentabiliweb avec Dieu comme actionnaire. Il a pris ses actions, je lui verse ses dividendes !” Dieu. Dans la bouche de Descroix-Vernier, Il revient sans cesse. Avant de se figurer bâtisseur d’empire, l’homme s’est vu prêtre. “J’ai fait de la théologie en même temps que mes études de droit. J’ai défroqué parce que je suis tombé amoureux.” La foi, elle, est toujours là. Conciliée avec Rentabiliweb, pieuvre qui monétise les contenus sur Internet, et qui compte à son board les plus grands patrons français : Pierre Bergé, Stéphane Courbit, et même les frères ennemis Pinault et Arnault. Le ménage christo-capitaliste surprend. Mais il assume : “j’aime mon métier. J’aime la stratégie des affaires”. Un gladiateur du e-business, au goût prononcé pour la compétition.

Le “magicien d’Oz de l’Internet”

Un appétit qui effraie les contrées numériques. “JBDV” : le nom est murmuré dans chaque discussion portant sur les relations que nouent, en France, Internet et le pouvoir. Lobbyistes, entrepreneurs, politiques, ils sont nombreux à évoquer de curieuses pratiques : des opérations de nettoyage sur Internet, au bénéfice de la réputation de Nicolas Sarkozy. Certains sont catégoriques : Descroix-Vernier court pour l’écurie UMP. Mais tous se taisent dès que les choses doivent se préciser. Peur des représailles ? Avec sa force de frappe actionnariale, JBDV aurait les moyens de faire couler une levée de fonds en claquant des doigts. Pour l’intéressé, ces accusations relèvent de la diffamation. Et du fantasme : “les rumeurs sont exponentielles en période électorale.” Des bruits qu’alimente aussi la galaxie JBDV. Dans sa dernière livraison, La Guerre sans l’aimer, l’ami de longue date, Bernard-Henri Lévy, fait aussi allusion à ces pratiques ésotériques. A l’occasion d’un “poisson d’avril” annonçant la mort du philosophe médiatique (p.164), ce dernier raconte :

[...] la nouvelle n’attend pas trente minutes pour commencer de fuser, ou comme on dit désormais, de buzzer. Alors j’appelle Jean-Baptiste Descroix-Vernier. Comme chaque fois, j’appelle à la rescousse mon magicien d’Oz de l’Internet. Et, comme chaque fois, il met en branle sa grande armée de ninjas et m’arrange, presque instantanément, le coup. Comment fait-il ? Noie-t-il la nouvelle ? La pulvérise-t-il comme au laser, un vilain calcul ? Entre-t-il par effraction dans ceux des sites qui la propagent, gentleman cambrioleur d’un nouveau style, amical, fraternel, homme à principes, chevalier ? La tue-t-il ? Je ne sais pas. Mais le fait est que cela marche.

“L’armée de ninjas”. Des employés très spéciaux de Rentabiliweb. Des petits génies du code, disséminés en Russie, en Bulgarie et ailleurs, “au passé underground sur Internet”, explique leur chef. JBDV le reconnaît volontiers : “tout cela entretient le mythe. Ça fait partie de la culture de notre entreprise.” Mais dément leur implication dans toute affaire politique, dans laquelle il se dit “incapable” de verser. Il évoque sa seule candidature, ratée, au poste de délégué de classe. Et s’en amuse: “c’est un signe !” Il raconte aussi son engagement passé auprès de José Bové, pour un autre “ami”, Karl Zéro. Mais pas plus : non, il ne compte pas parmi les proches du Président de la République. Et s’il a “l’oreille de plein de gens, souvent haut placés, et de tout bord politique”, il répète n’être “pour aucun parti”. “Je discute avec des gens. Ça ne veut pas dire que je deviens comme eux.” Il évoque Alain Madelin, à son board pendant deux ans, pour qui il a “de l’amitié”, “sans partager les mêmes idées”.

Il n’empêche : c’est bel et bien l’Élysée qui, fin 2010, a chargé Jean-Baptiste Descroix-Vernier de réfléchir aux futures attributions du Conseil national du numérique (CNNum), en parallèle de la mission officielle confiée par le ministre de l’industrie Eric Besson à Pierre Kosciusko-Morizet (frère de la ministre de l’Écologie du même nom), le patron de Price Minister. C’est encore lui qui était destiné à en prendre les rênes, avant un putsch de ses acolytes, qui ont placé à leur tête un autre entrepreneur du web, Gilles Babinet. La conspiration a fait son effet. “J’ai eu les boules de ne pas être élu. Par orgueil”, reconnaît JBDV. Mais l’histoire est aujourd’hui oubliée, assure-t-il. L’homme a quelques soupçons sur les raisons : “Ils ont eu un éclair de lucidité. Se sont dits que je n’aurais pas été là… Je ne suis pas assez consensuel.” Et, après un silence, conclue la conversation : “je n’ai pas de regrets. Aucun regret.”


Portrait donné par Jean-Baptiste Descroix Vernier via l’Elysée.
Photo de lambertwm [cc-by-nc-nd] et Walwyn [cc-by-nc-sa] via Flickr


En vente début décembre le livre électronique “e-2012″, chez Owni Editions, une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.

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Sarkozy valse avec la Culture http://owni.fr/2011/11/18/nicolas-sarkozy-internet-culture-avignon-2012-presidentielle-hadopi/ http://owni.fr/2011/11/18/nicolas-sarkozy-internet-culture-avignon-2012-presidentielle-hadopi/#comments Fri, 18 Nov 2011 13:41:36 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=87467 Nicolas Sarkozy s’adressait ce vendredi, aux environs de midi, au gratin culturel réuni au Forum d’Avignon. Un déplacement scruté à la loupe par les milieux du numérique et de la culture, qui s’opposent de plus en plus au sujet de la régulation du net. Le “propos liminaire” du chef de l’État exige donc une souplesse d’équilibriste. Il nécessite de jongler entre des acteurs culturels favorables à une régulation du net agressive, et une communauté Internet que la majorité essaye de séduire depuis avril 2011.

L’exercice est périlleux. Les traces du discours sont réduites au minimum. Aucun streaming de l’événement n’a été assuré, aucun direct radio ou TV n’aurait été autorisé. Nicolas Sarkozy aurait fait le choix d’une improvisation, laissant de côté le discours prévu : autrement dit, la publication d’un texte sur le site de Élysée n’est pas assurée… Seul un montage vidéo réalisé par France Télévisions, qui détenait l’exclusivité, a été mis en ligne peu de temps après cette intervention.

Seul lien direct avec l’évènement: Twitter, sur lequel quelques participants connectés envoient des bouts de phrases du président. Et le contenu de l’intervention présidentielle vaut le détour. En rappelant, comme au cours de ses vœux aux acteurs du monde de Culture en 2010 ou de son discours à l’eG8, que le droit d’auteur avait été inventé par Beaumarchais, en France, le Président flatte son auditoire. Composé de professionnels du secteur culturel, il est attentif aux lieux communs tels que :

La culture, c’est le contraire du sectarisme.

Il faut une nouvelle économie pour les acteurs de la culture qui ne les ruine pas.

La culture, c’est ce qui donne du sens.

Hadopi 3, la revanche

Au-delà, le président en campagne s’est confié, affirmant qu’on lui avait prédit la perte de l’élection présidentielle si il ne renonçait pas à défendre le droit d’auteur. Mais Nicolas Sarkozy n’est pas homme à renoncer, ni à plier devant les revendications des “intern-autres”. Surtout devant un monde culturel plutôt satisfait de la mise en place de la Hadopi. Une haute autorité qui selon lui a fait baisser le piratage de 35%, chiffre qu’aucune étude sérieuse ne vient appuyer.

Sur cette question, le président de la République veut aller plus loin. II a évoqué l’utopie séduisante d’une Hadopi 3, pour contrer le streaming: “l’idéologie du partage, c’est je vends d’un côté et je vole de l’autre ; je veux une Hadopi 3”. Une autorité qui en juin 2012 pourrait selon les souhaits de ses dirigeants, devenir l’instance principale de régulation de l’Internet. Un Internet qui fait décidément toujours aussi peur à Nicolas Sarkozy, qui aurait affirmé qu’on pouvait trouver des bombes sur le réseau, en faisant référence à l’attentat de Marrakech.

Le président en a également profité pour dérouler son programme et évoquer la création d’un centre national de la musique financé par une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet. La tribune de ces derniers dans Le Monde n’a donc pas porté ses fruits. Le président de la République en a également profité pour réaffirmer son opposition à l’idée de licence globale.

En installant le Conseil National du Numérique en avril 2011 et en plaçant Internet au cœur des préoccupations du G8, Nicolas Sarkozy a tenté de réécrire la relation qui le lie au net. Son allocution du jour semble confirmer que la variation n’est qu’un arrangement cosmétique et électoraliste. Un grand écart postiche, que les acteurs du net ne manqueront pas de souligner ces prochains jours, à l’occasion des “journées du numérique”. Énième opération com’ voulue par le Président.


Merci à Pascal Rogard pour son suivi précis ainsi qu’à Anti-nanti pour les illustrations


En vente début décembre le livre électronique “e-2012″, chez Owni Editions, une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.

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En 2012 Internet vire à droite http://owni.fr/2011/11/07/ump-ps-internet-elysee-sarkozy-numerique-2012-presidentielle/ http://owni.fr/2011/11/07/ump-ps-internet-elysee-sarkozy-numerique-2012-presidentielle/#comments Mon, 07 Nov 2011 07:22:07 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=85296 Nicolas Sarkozy veut célébrer Internet. Pour fêter ça, OWNI publiera début décembre un livre numérique sur les préparatifs de la campagne numérique.






Vincent Feltesse, chargé du numérique dans l’équipe de François Hollande, le reconnaît sans trop de problème : sur Internet, le programme du candidat socialiste à l’élection présidentielle, est bien ”a minima”, comme l’évoquait OWNI il y a deux semaines. Mais ”Ce que vous reprochez dans un article récent est valable pour bien d’autres choses que le numérique”, ajoute-t-il. Manque de temps ? Peu vendeur ? Ou simple désintérêt pour le web ? Le PS est à la ramasse sur Internet, face à une UMP en ordre de bataille pour 2012.

Il va falloir faire le reste

Côté PS, jusqu’à la nomination de François Hollande, le temps n’était pas à l’affaire. La stratégie était ailleurs : ”à la différence de Martine Aubry, il a choisi trois priorités, sans parler du reste. Il va falloir faire le reste”, nous explique un membre de l’équipe du candidat socialiste. Quitte à faire des boulettes, comme lors du rétropédalage laborieux sur le maintien d’Hadopi. Quitte aussi à perdre du temps.

Pas d’inquiétude dans les rangs du PS : la campagne ne prendra son rythme de croisière qu’en janvier, date à laquelle Nicolas Sarkozy, est censé – officiellement – sortir du bois. Les trois mois d’intervalle feront office de sas de décompression, après une primaire éreintante. Ils permettent aussi de recomposer les forces qui feront la campagne auprès de François Hollande : comment intégrer à l’équipe initiale les soutiens des rivaux d’hier ? Sur Internet aussi, l’attention du parti porte aujourd’hui sur le “qui ?” et non sur le “quoi”, même si Vincent Feltesse nous assure qu’il est ”en train de formaliser un programme”, structuré autour des thèmes du très haut débit, de l’économie numérique, de l’éducation et des libertés publiques et individuelles.

A en croire ce proche de François Hollande, le côté opérationnel lui, est pour le moment mis de côté. Aucun prestataire ne serait sur les rangs pour gérer la stratégie en ligne du candidat socialiste et l’éventualité d’un nouveau site pour 2012 reste à l’étude. Du côté de Solferino, des petites mains expliquent que la question est discutée en off, mais toujours pas tranchée. C’est d’ailleurs l’enthousiasme de ces abeilles ouvrières qui pourrait bien faire pencher la balance numérique en faveur du PS, en bousculant les faibles ambitions de François Hollande. Face à une équipe web hollandiste aux contours incertains au-delà de la seule personne de Vincent Feltesse, et dont l’unique fait d’arme est une application envoyant des messages automatisés à partir des comptes Twitter de militants, le siège du PS compte une dizaine de salariés dédiés au web. Jeunes, motivés et qui trépignent d’impatience à l’idée de proposer de nouvelles applications ou des sites innovants. Un bouillonnement qui devra faire rempart à une machine UMP dopée, et déjà en marche.

L’UMP réécrit l’e-Histoire

Dix personnes en interne, une quinzaine à plein temps du côté d’Emakina, boîte qui chapeaute la stratégie marketing en ligne du parti majoritaire, en relation permanente via Skype, sans oublier des modules de formation à Internet pour militants et élus chaque semaine en région… A droite, les rouages sont massifs, imbriqués et tournent pour que Nicolas Sarkozy, une fois déclaré, ”n’ait plus qu’à appuyer sur le bouton”, y compris sur Internet. Misant sur la réactivité, l’équipe de Baptiste Roynette, responsable du web à l’UMP, met en application les idées soufflées par Emakina : infographies sous licence Creative Commons diffusées sur Twitter, programme ouvert aux commentaires sur le site du parti, montage de vidéos courtes démontant l’adversaire socialiste. Sans oublier une plate-forme de veille qui prévoit différents “plans de réactions” en cas de crise, envoi de SMS inclus. Des initiatives se voulant geek-friendly, qui cherchent à rompre avec l’image anti-Internet de l’UMP. “On essaie de montrer tous les jours que notre sensibilité est forte sur les sujets du numérique”, nous explique le directeur adjoint de la communication du parti, Pierre Chassat, qui reconnaît que l’UMP ”avait du retard”.

Sur Internet, la communication est au mea culpa et à la transparence. Sur le fond, on mise sur l’expertise : une convention numérique scindée en deux événements réunissant des observateurs du réseau, un programme en 45 points (dont OWNI avait réalisé un comparatif : “Digitale Martine vs Télématique Sarkozy” ), une secrétaire au numérique politiquement peu clivante, Laure de La Raudière, dont les compétences sont reconnues dans le secteur. Dans la forme, le discours est au fair-play : en interne comme chez Emakina, on dit récuser les ”petites phrases”, la ”guéguerre”, pour ”privilégier le fond”. Et on accuse l’opposition ”d’agressivité, voire de méchanceté”. Les clichés sont retournés, l’e-Histoire réécrite.

L’épiphanie numérique de Nicolas Sarkozy

L’affaire entre Internet et la majorité ? A en croire les membres de l’UMP, elle débute en avril dernier, à l’occasion de l’établissement du Conseil National du Numérique (CNN) par Nicolas Sarkozy, et de la grand messe organisée à Paris, l’e-G8, en amont de la réunion des huit grands de ce monde. Loppsi ? Hadopi ? L’”Internet civilisé” ? Le temps des premiers accrochages est oublié. Du moins c’est ce dont l’UMP veut se convaincre, en essayant d’emporter l’opinion publique avec elle. Hors discours officiel néanmoins, on reconnaît la difficulté de se défaire de ce ”chewing-gum qui colle aux pieds de l’UMP” que demeure Hadopi. Une institution qui tente aujourd’hui de survivre à 2012 et qui représente à elle seule le fossé qui s’est creusé, au fil des années, entre Internet et la majorité. Pour le combler, et rogner la frange d’électeurs qui se situe sur l’autre bord, le parti de Nicolas Sarkozy devra assurer que ses lanternes numériques ne sont pas des vessies clientélistes.

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Une stratégie à laquelle le résident du Château semble vouloir se plier : vendredi dernier, lors d’un long déjeuner avec les membres du CNN, il déclarait sa volonté d’organiser des ”journées du numériques”, la semaine du 5 décembre, pendant laquelle il devrait prononcer plusieurs discours sur le seul sujet d’Internet. Nicolas Sarkozy en pleine e-épiphanie ? C’est en janvier, quand il gardera certains éléments du programme bâti par l’UMP, pour en écarter d’autre, que la révélation numérique du Président prendra corps : purement pragmatique ou étrangement très geek.


Retrouvez dès début décembre une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.


Illustration CC FlickR: Scott Beale / Laughing Squid

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L’Élysée fête Internet http://owni.fr/2011/10/28/elysee-fete-internet-nicolas-sarkozy/ http://owni.fr/2011/10/28/elysee-fete-internet-nicolas-sarkozy/#comments Fri, 28 Oct 2011 16:52:12 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=84937 null

Organiser des “journées du numérique” : tel est le souhait du Président de la République. Une volonté qui devrait s’actualiser très prochainement, dès début décembre.

Le Conseil National du Numérique (CNN) , reçu ce midi à l’Élysée, aurait été associé à l’organisation de l’événement. A l’orée de la campagne, et alors que sa candidature n’a toujours pas été rendue officielle, Nicolas Sarkozy consolide son positionnement sur la thématique numérique.

“Une montée en compétences très claire”

A en croire certains convives du Château, le Président serait “monté en compétences sur le sujet”. “Il y avait une évolution par rapport à ces propos des derniers mois”, nous a confié un premier invité, quand un second remarquait que son discours “était plus construit” que lors de leur première rencontre, en avril dernier.

Au menu, compétitivité et économie numérique : “l’enjeu est vraiment que la France ait sa place dans l’économie d’Internet, a commenté un participant au sortir du déjeuner.

Sur les questions de droits d’auteur, Nicolas Sarkozy ne se serait pas montré aussi offensif que lors de l’e-G8, se disant ouvert à la discussion. Quant à Hadopi, il aurait répété que c’est une solution imparfaite, prête à être remplacée par une alternative plus efficace.

La sécurité du réseau n’aurait pas été abordée ; l’open data, en revanche, serait au cœur d’une intervention du Président lors des journées du numériques : “il a compris que la transparence était inéluctable sur Internet”, commentait un des membres du CNN.

Internet : un placement électoral ?

La séquence a de quoi surprendre : organisé au lendemain de la réunion sur la crise européenne à Bruxelles, le déjeuner a duré près de deux heures, pendant lesquelles Internet aurait eu toute l’attention d’un Nicolas Sarkozy visiblement fatigué mais détendu. Outre les anecdotes personnelles – Nicolas et Carla seraient des fans invétérés des séries Borgia et Breaking Bad -, le Président a manifesté son intention de devenir l’homme fort du numérique.

Internet deviendrait-il un enjeu électoral pour le non-prononcé-mais-très-probable candidat de l’UMP à l’élection présidentielle ? La manœuvre en a tout l’air et vient rejoindre le positionnement du parti majoritaire, très présent, dernièrement, sur les questions numériques.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


A lire aussi :

- “L’UMP travestie en geek”
- “L’Élysée drague le numérique”
- “Digitale Martine vs Télématique Sarkozy”

Illustration Cc FlickR: Scott Beale / Laughing Squid

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L’UMP travestie en geek http://owni.fr/2011/09/15/ump-internet-numerique/ http://owni.fr/2011/09/15/ump-internet-numerique/#comments Thu, 15 Sep 2011 15:09:34 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=79503 Mettre le numérique au cœur de la campagne présidentielle. Et ”entre les mains du candidat UMP”. Tel est le double objectif martelé ce matin par Laure de La Raudière, secrétaire nationale du parti en charge des médias et du numérique, à l’occasion d’un débat organisé à La Cantine, haut-lieu de rencontre des techno-branchés parisiens. Un exercice qui s’annonce laborieux, le sujet ne se déclarant pas particulièrement clivant dans la présidentielle à venir. L’UMP tient néanmoins à garder la main sur le sujet, face à un Parti Socialiste encore timide sur la question.

Présentées en juillet dernier lors de la Convention numérique de l’UMP, organisée en grande pompe dans les sous-sols du Palais Brongniart, les orientations du parti ont donc été de nouveau abordées dans un cadre plus intime et nettement plus geek. Exit le gratin – Jean-François Copé, Éric Besson, Franck Riester et, plus surprenant, Benjamin Lancar, manquant à l’appel-, la matinée s’articulant en une séance de questions/réponses autour du programme savamment intitulé ”Révolution numérique, le meilleur reste à venir”. Rien de neuf sur le fond donc, simplement un approfondissement des axes prioritaires déjà définis par l’UMP: ”un écosystème porteur”, ”des infrastructures puissantes accessibles partout”, ”formation et révolution pour tous”(sic), la défense du principe de neutralité des réseaux et le ”numérique au service du mieux vivre”. Déploiement de la fibre, utilisation concrète de l’open data, développement du télétravail ou place d’Internet dans l’éducation ont été rapidement discutés dans une ambiance studieuse.

Petite nouvelle sur le sujet, Fabienne Keller, ancienne maire de Strasbourg et sénatrice UMP, accompagne pour la première fois Laure de la Raudière pour mettre en avant ces questions. La remplaçante (temporaire?) de Benjamin Lancar a un profil plus politique et bénéficie d’une assise médiatique importante, bien qu’elle avoue “ne pas être perpétuellement plongée dans les écrans”.

Interrogée par OWNI sur les différences fondamentales du PS et de l’UMP en matière de numérique, Laure de La Raudière se démarque par une position mesurée:

La réflexion est plus approfondie à l’UMP. Mais c’est très certainement lié à une question de calendrier.

Fabienne Keller, Laure de la Raudière et Gilles Babinet (photo Marc Rees, PCInpact)

Le temps est pour le moment à la modération et non à l’attaque en règle, même si la député insiste sur l’importance que donne son parti à “l’autorégulation”, et aux industriels, quand le PS reste ”très largement cantonné au domaine de la culture”. Elle avoue avoir ”plein d’interrogations” sur la proposition socialiste qui vise à substituer Hadopi par une licence globale améliorée.

Propriété intellectuelle et boulet Hadopi dont l’équipe numérique UMP semble d’ailleurs vouloir se débarrasser: naturellement évoqué par l’assistance, le sujet a été renvoyé à la Convention Culture fixée au 27 septembre. Même réflexe sur le cas Loppsi, Laure de la Raudière tenant à préciser que la position officielle du parti majoritaire a changé:

Pas de blocage et pas de filtrage du net sans intervention du juge.

En attendant, toute mention du juge reste introuvable au Journal Officiel.

La seule surprise de cette nouvelle rencontre sur Internet vient de l’intervention du président du Conseil National du Numérique (CNN ). Gilles Babinet a commenté le programme de la majorité, rendant par exemple ”hommage à la loi Pécresse pour l’autonomie des universités” et insistant sur les efforts supplémentaires à fournir dans l’aide au développement des start-up, ou dans l’éducation et la santé. Le CNN, organe de réflexion sur Internet institué en avril dernier par Nicolas Sarkozy, met-il un pied dans la politique ? En indiquant que le Conseil se tenait à la disposition de ”tous les partis qui le souhaitent” pour une aide à la réalisation de leur programme numérique, Gilles Babinet confirme que le CNN sera aussi de la partie présidentielle.

Reste que le parti majoritaire, qui bénéficie d’un avantage sur un PS pris dans la primaire pour avancer ses pions dans le domaine du numérique, a toujours fort à faire pour se dépêtrer d’un bilan-boulet.


Illustration: montage OWNI via CC FlickR iprozac et nateone

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L’Élysée drague le numérique http://owni.fr/2011/04/27/cnn-une-utopie-seduisante/ http://owni.fr/2011/04/27/cnn-une-utopie-seduisante/#comments Wed, 27 Apr 2011 10:39:27 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=59286 Avertissement : contrairement aux Labs d’Hadopi, nous n’avons pas fait d’article en police de caractères Comic Sans MS sur le CNN : Nicolas Voisin, directeur de la publication d’OWNI, a en effet accepté d’y siéger. Il s’en explique dans “Hack the CNN”. La rédaction reste entièrement attachée à l’esprit d’indépendance qui la caractérise et tâchera, comme elle l’a toujours fait, de réaliser son travail dans une exigence de transparence et de rigueur. Bien à vous. /-)

Le dernier hybride politico-numérique est né ! Enfin presque, la gestation du CNN, acronyme aux accents anglophones pour “Conseil National du numérique”, arrive tout juste à terme, son officialisation devant s’opérer ce jour, à l’Élysée, aux alentours de midi.

Sur Internet, les commentateurs n’ont évidemment pas attendu le Palais pour se livrer à une inspection en règle du futur comité, dont la liste, comptant -pour le moment- 18 personnalités du réseau français, a déjà été détaillée sur de nombreux sites. Parmi elles, avant tout des “entreprenautes” (comprenez par là des gens qui sont et entrepreneurs, et sur Internet) tel le trio de “business angels” Marc Simoncini (Meetic), Xavier Niel (Free, entre autres) ou Gilles Babinet (le format musical MXP4) , des opérateurs (la brochette SFR, Orange, Bouygues, Free étant a priori présente) et des éditeurs de logiciels (Avanquest, Cegid).

La liste présentée par PCINpact le 23 avril dernier

”Afficher et assumer” l’orientation économique

L’orientation est donc particulièrement industrielle, tant dans la sélection du casting que dans les thèmes qui semblent se profiler. Lors d’un petit-déjeuner à l’Élysée il y a cinq jours, durant lequel Nicolas Sarkozy s’est entretenu avec les candidats pressentis à la nomination au CNN, il semblerait que les discussions aient été dominées par des sujets exclusivement économiques. Face aux tentatives de certains d’aborder le concept de neutralité du net, le président aurait ainsi opposé un “connais pas” malheureux, quelques jours après la publication d’un rapport sur le sujet, notamment mené par la député Laure de la Raudière, également Secrétaire nationale en charge des nouveaux médias et du numérique au sein de l’UMP…

On nous reproche que le CNN soit trop industriel. Moi à l’inverse je valorise que cela soit axé entrepreneurs.

Pour Gilles Babinet, l’axe économique est intéressant dans la mesure où “jusque là, le niveau auquel les politiques ont placé Internet en France est lamentable.”

Tous ne sont pas aussi enthousiastes. Laure de la Raudière, dont la présence au sein du comité a également été évoquée, estime ainsi qu’en l’état, ”la liste dessine finalement davantage un conseil national de l’économie numérique.”

Ce n’est pas forcément une mauvaise idée en soi. Faire de la France un leader de l’économie numérique est une bonne chose. Mais il faut l’afficher et l’assumer.

La solution préconisée par certains est l’adoption du titre de “Conseil national de l’économie numérique” : une façon de ne pas avancer masqué et de coller à une représentativité finalement tronquée.

”Dès qu’on parle de quatre opérateurs, forcément, ça fait peur”

Mais plus que la cohorte des “anges du business”, c’est bien la présence des quatre gros opérateurs qui pose problème. ”Forcément, concède Laure de la Raudière, ça fait peur.” Pierre Kosciusko-Morizet, dont la réflexion a servi de socle à la constitution du CNN, regrette la sur-représentativité de ces grands groupes :

On leur donne bien trop de poids, ce qui n’est pas nécessaire. Il s’agit de très grosses sociétés, avec d’importants moyens de lobbying et un poids considérable dans le numérique.

Ce nouveau comité serait ainsi un porte-voix supplémentaire accordé à ces géants français des telco. Surprenant quand on sait que Nicolas Sarkozy soutenait le discours inverse dans le cas des majors, qui n’ont pas été conviées à la fête. “Ils ont déjà [mon] oreille” aurait il ainsi déclaré lors du brunch élyséen.

“Il est important de s’assurer que les autres membres sauront dire “non” s’ils essayent d’orienter le débat”, reprend PKM. Eviter que les telco ne phagocytent -encore?- cette instance de réflexion, tel est l’objectif que semble devoir se fixer les autres membres du CNN. ”Et ce n’est pas toujours évident quand on est une start-up et que l’on veut un certain trafic. Il est toujours valorisant de se voir en home d’Orange”, observe PKM.

Adieu monsieur l’internaute ?

Pour le président de PriceMinister, cette crainte est doublée d’un deuxième regret : celle de ne voir figurer aucun représentant des consommateurs au sein du CNN, ce qui avait pourtant été suggéré par le document de travail. S’il concède que les utilisateurs seront éventuellement consultés, ce qui fera ”peut-être l’affaire”, PKM prévient :

Il faut absolument écouter les consommateurs car ce sont eux les utilisateurs. Ils ne sont pas seulement des empêcheurs de tourner en rond.

Pour Nicolas Sarkozy pourtant, leur absence ne tient qu’à un argument, que les principaux intéressés sauront apprécier : ”c’est pour éviter que cela tourne à la foire d’empoigne.”

Une vision “caricaturale voire insultante” selon Edouard Barreiro, chargé de mission sur les technologies de l’information à l’UFC-Que Choisir :

C’est ridicule ! L’UFC est pourtant constructive sur les questions du numérique ! Preuve en est que les opérateurs nous suivent souvent sur certains sujets ! Ici, on ne pourra rien dire. Nous ou d’autres, comme la Quadrature du Net. On va nous consulter, nous écouter bien poliment, mais au final, le CNN tirera seul les conclusions. Et ce ne sera pas la première fois.

La Quadrature a d’ailleurs aussi pris ses distances avec le CNN, son porte-parole Jérémie Zimmermann dénonçant hier sur Twitter son manque de légitimité et parlant ce jour d’un véritable “écran de fumée”.

Même son de cloche courroucé du côté du Spiil, qui représente la presse en ligne, et qui ”regrette que ne figure parmi eux aucun représentant des organisations professionnelles reconnues, ni des citoyens utilisateurs du numérique et aucun élu de la nation”, taclant au passage le directeur de la publication d’OWNI, Nicolas Voisin, unique caution médiatique du conseil des sages.

”On est en train de créer un e-Medef”, alerte Edouard Barreiro. Et de poursuivre : ”toutes les orientations prises jusqu’alors décrédibilisent le CNN, avant même sa constitution”. Et l’économiste de regretter, comme d’autres, la disparition fin 2010 du Forum des droits sur Internet, chargé, déjà, de réfléchir aux problématiques du numérique, et au sein duquel on retrouvait de nombreux membres de la société civile.

Hacker de l’intérieur

Quel intérêt alors, à une énième instance de réflexion sur Internet ? Pour certains, c’est l’occasion de défendre une vision du réseau préservé au sein d’une institution reconnue et voulue par l’État. Quelques-uns d’entre eux n’ont pas hésité par le passé à s’élever contre les options prises par le pouvoir, sur le cas emblématique d’Hadopi notamment : Nicolas Voisin, Jean-Baptiste Descroix-Vernier et, en filigrane, Xavier Niel… Mais si la perspective d’un “hack de l’intérieur” est séduisante, peut-on réellement donner de la voix dans le giron de l’Élysée ? Plus encore, le CNN n’est-il pas la caution numérique de Nicolas Sarkozy à l’approche de 2012 ?

Pierre Kosciusko-Morizet modère le propos :

Si Nicolas Sarkozy dit qu’Hadopi et Loppsi auraient été gérées différemment en présence du CNN, et si c’est sa conviction profonde, c’est une excellente nouvelle. S’il pense que le CNN est un outil de campagne, alors je pense qu’il se trompe et que des gens suffisamment indépendants qui y siègent éviteront cela.

Même discours du côté de Gilles Babinet, qui croit “en les gens autour de la table”. “Des personnes de qualité, ajoute-il, prêtes à hurler si les choses ne se font pas.” L’entrepreneur, tout comme Nicolas Voisin, se dit déjà prêt à quitter le CNN si des décisions de l’Executif à contre-courant des idées défendues par le comité venaient à être adoptées.

En attendant, Nicolas Sarkozy aurait invité les membres du CNN à grossir leurs rangs, afin d’obtenir une instance “horizontale”, dont le fonctionnement s’éloignerait de celui d’un ministère à l’Économie numérique -particulièrement critiqué par le chef de l’État. Les noms de parlementaires, comme Laure de la Raudière évoquée plus haut et le sénateur UMP Bruno Retailleau circuleraient, ainsi que ceux de personnalités du monde de la culture, jusque-là évincé du conseil. Son président, dont le choix devait initialement échoir à Nicolas Sarkozy, sera finalement élu par les représentants du CNN, dont le nombre ne devrait pas excéder 25. Un chiffre bien trop important selon PKM, qui alarme sur le risque d’inefficacité de l’institution :

C’est dommage, ça dilue la responsabilité de chacun et ça va être très difficile que tout le monde soit présent à chaque réunion. Or il faut y assister, il faut y consacrer du temps. Plus il y a du monde, plus il sera difficile que l’instance soit prise au sérieux.

Note : le titre nous a gentiment été soufflé par Muriel Marland Militello, dans son papier sur la neutralité des réseaux, qualifiée donc “d’utopie séduisante”. Une expression qui a généré une vague mémique tout à fait hilarante.

Lire les autres articles de notre dossier :

Hack the CNN /-)

Pour un Internet “neutre et universel”

Illustration Flickr Attribution jonny2love

Une Marion Boucharlat à partir de Alex No Logo, téléchargez-la /-)

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Hack the CNN /-) http://owni.fr/2011/04/27/hack-the-cnn-owni-nicolas-voisin-au-conseil-national-du-numerique/ http://owni.fr/2011/04/27/hack-the-cnn-owni-nicolas-voisin-au-conseil-national-du-numerique/#comments Wed, 27 Apr 2011 08:49:39 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=58076 L’Élysée m’a proposé de faire partie des 18 à 20 “sages” du Conseil National du Numérique (CNN), destiné à réunir les acteurs d’Internet “dans leur diversité”, et qui “sera consulté sur l’ensemble des projets de textes législatifs et réglementaires et sur l’action des pouvoirs publics dans les domaines de la société de l’information”, comme l’a précisé le ministre de l’industrie, ainsi que sur l’ensemble des politiques publiques touchant la société de l’information. Une instance sensée être interrogée à l’avenir avant de mettre en branle la machine législative à tort et à travers, en quelque sorte.

C’était une rumeur persistante, du genre de celle qui fait sourire tant elle parait improbable. “vu comme vous tapez sur l’exécutif, je ne vois pas cela se faire” nous disaient, unanimes, ceux avec lesquels nous discutions de ce qui n’était pas une information, mais des bruits de couloir.

La proposition était d’autant plus étonnante que nous avons lancé OWNI.fr – l’Objet Web Non Identifié dont je suis le Directeur de la publication – au moment de la “bataille de l’Hadopi“, pour incarner et diffuser un certain nombre de valeurs, de libertés, une conception du web que la loi Création et Internet mettait, sinon en péril, tout du moins en danger.

Il n’est pas un Internet sauvage et un autre civilisé, l’un qui faudrait dompter, l’autre auquel nous devrions nous résigner.

Mon approche et ma vision de l’Internet pourraient ainsi être perçues comme entrant de plein fouet en contradiction avec celles portées par l’actuel gouvernement. Je n’en ai pas moins accepté de faire partie du CNN, parce que sa composition et sa feuille de route me laissent à penser que les missions qui lui ont été attribuées ne seront pas vaines, et qu’il pourra bel et bien servir d’instance de concertation, et d’orientation, des politiques publiques appliquées au numérique.

Les pouvoirs publics, en France en particulier, ont le plus souvent fait montre d’une vision biaisée, pour ne pas dire anxiogène, de l’Internet. La création du CNN montre qu’il peut – peut-être – en aller autrement et que notre société a beaucoup à apprendre de ceux qui, chefs d’entreprises, entrepreneurs des nouveaux médias, contribuent à faire de cette société de l’information une partie de la solution, plus que des problèmes, auxquels nous sommes collectivement confrontés. Plus encore, qu’il n’est pas un Internet sauvage et un autre civilisé, l’un qui faudrait dompter, l’autre auquel nous devrions nous résigner.

La tentation quasi adolescente de claquer la porte a été forte. En acceptant cette nomination, j’entends bien me faire le porte-voix de tous ceux pour qui l’Internet constitue une chance pour nos démocraties, et qui défendent donc :

La neutralité du Net et des réseaux, la possibilité pour les citoyens de s’y exprimer, le droit d’accès libre et universel au web, la société du partage, du remix, de l’open-source, de l’open-data et du Creative Commons, notamment.

Enfin, Internet est également une formidable opportunité pour nos économies : le rapport McKinsey a ainsi récemment estimé que l’Internet, qui pèse 60 milliards d’euros dans l’économie française, a créé plus de 700 000 emplois, soit 25% des emplois créés en France depuis 1995.

Je n’ai pas fait l’ENA. Pire, je n’ai pas de diplôme, juste un joli BAC en poche. Mais j’ai créé ma première entreprise à 18 ans et en lançant, en 2006, le PoliTIC’Show, un blog vidéo qui donnait des temps longs aux candidats à la présidentielle de 2007 pour s’exprimer, j’ai tenté de montrer qu’un blogueur, un citoyen, un amateur, pouvait apporter une véritable valeur ajoutée aux débats politiques. Aujourd’hui, avec OWNI, nous tentons de montrer ce qu’Internet peut apporter au journalisme, à la médiation culturelle et à la redéfinition de l’écosystème médiatique. Je me plais à penser que cette nomination au CNN témoigne d’une évolution dans la perception que se font les pouvoirs publics de ceux qui peuvent aujourd’hui contribuer au débat public.

Mais je ne suis pas dupe : le Parlement n’aura probablement guère le temps d’être saisi de textes majeurs relatifs à l’Internet d’ici la présidentielle de 2012. Je n’en fais pas moins le pari que le travail du CNN permettra, d’ici là et je le souhaite par la suite, de contribuer au débat sur ce que peut apporter l’Internet en particulier, et le numérique en général, à notre démocratie – et qu’il serait dommage de s’en priver.

Si tel n’était pas le cas, j’en tirerai les leçons, avec vous et le million et demi d’internautes séjournant ici chaque mois, avec l’ensemble des 38 salariés associés d’OWNI et le millier d’auteurs que nous avons réunis, qui accompagneront, je n’en doute pas un instant, l’exigence qui devra être celle des “sages” du CNN et du petit artisan nommé ce jour, afin de vous représenter.

MAJ : Suite à sa première réunion, qui s’est tenue ce jour, la Commission Nationale du Numérique [#CNNum] s’est organisée en 3 commissions “Croissance, Accès et Libertés” et a élu :

- Gilles Babinet en tant que Président,
- François Monboisse, en tant que Vice-Président en charge de la Commission Croissance.
- Giuseppe De Martino en tant que Vice-Président en charge de la commission Accès.
- Nicolas Voisin, en tant que Vice-Président en charge de la commission Liberté.

Lire les autres articles de notre dossier :

CNN, une utopie séduisante ?

Pour un Internet “neutre et universel”

Crédits photos CC FlickR Rémy Saglier, Quasimodo

Une Marion Boucharlat à partir de Alex No Logo, téléchargez-la /-)

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http://owni.fr/2011/04/27/hack-the-cnn-owni-nicolas-voisin-au-conseil-national-du-numerique/feed/ 65
PKM: “Faire du CNN un aiguillon de la politique numérique” http://owni.fr/2011/03/02/pkm-faire-du-cnn-un-aiguillon-de-la-politique-numerique/ http://owni.fr/2011/03/02/pkm-faire-du-cnn-un-aiguillon-de-la-politique-numerique/#comments Wed, 02 Mar 2011 07:54:49 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=49165 Voulu par Nicolas Sarkozy, chapeauté par Éric Besson, le Conseil national du numérique, bien nommé “CNN”, devrait bientôt voir le jour. Chargé de réfléchir aux orientations de ce conseil des sages du numérique, Pierre Kosciusko-Morizet, président de PriceMinister et frère de vous savez qui, a remis son rapport le 14 février dernier. Le document de travail, rendu public quelques jours plus tard -et consultable en intégralité sur PCINpact-, a suscité de nombreuses réactions, pour la plupart positives, ce dont se félicite “PKM”. “En matière de numérique, a-t-il confié à OWNI, c’est difficile d’obtenir des retours enthousiastes, alors oui, nous sommes contents !”

Volonté d’indépendance, rejet de la casquette de régulateur et correction de certaines erreurs d’appréciation (dont une chiquenaude remarquée au chef de l’Etat: “l’Internet n’est pas le ‘far web’” (p. 14) ), le tout présenté sans détours ni langue de bois, ont séduit les observateurs.

Quelques doutes subsistent néanmoins, sur les valeurs et surtout l’efficacité réelle du futur Conseil, dont la création devrait être actée d’ici deux à trois semaines, indiquait il y a quelques jours le responsable juridique de PriceMinister Benoît Tabaka. Une information confirmée par PKM, qui se livre pour OWNI à une petite explication de texte.

Quelles sont les missions du CNN ?

Le CNN doit être deux choses. Tout d’abord un lieu de dialogue, le plus en amont possible. Sinon, sans consultation, il y aura nécessairement opposition et une réaction hostile aux projets de loi. Les “c’est du n’importe quoi”, les “c’est pas bon” repartiront de plus belle. Il faut sortir de cette boucle.

Il doit aussi avoir un rôle de prospective: proposer des idées pour une politique du numérique à long terme, en consultant les acteurs du secteur. Orienter la politique numérique. Le problème aujourd’hui est que bien souvent, il y a plein d’idées, des propositions sont faites, mais que chaque année et demi, le gouvernement change et que tout est bouleversé. Du coup, on ne fait rien.

Il faut se donner les moyens de regarder dans le rétroviseur, de constater ce qui a été fait ou non, de ce qui a été une réussite ou un échec. Si on revient toujours à zéro, c’est infernal ! On n’a jamais le temps de faire quoi que ce soit et ça, c’est terrible, surtout pour le numérique.

Vous insistez sur l’importance d’une consultation “systématique” du CNN “avant chaque projet de texte relatif au secteur du numérique” (p.17) ou dès que le besoin se fait sentir au Parlement. Condition d’une réussite du CNN ?

On ne peut pas obliger la  saisine du CNN. Par contre, le comité peut s’auto-saisir de certains dossiers et même en refuser certains: dans la mesure où le numérique concerne un très grand nombre de domaines, et ce de plus en plus, on ne peut pas imaginer qu’il s’occupe de chacun d’entre eux.

Après, il est vrai que si trop de dossiers importants passent sans saisine du CNN, il y aura un vrai problème.

Les réactions sont plutôt positives pour le moment. Pour beaucoup, elles saluent la distance que prend le rapport avec Eric Besson. Vous avez fait le choix de vous démarquer du ministère ?

Certains disent en effet que le rapport va complètement à l’encontre du ministre et de son plan France Numérique 2012. Je ne pense pas que ce soit aussi tranché.

En me demandant de rédiger le rapport, c’est vrai qu’Eric Besson prenait le risque de voir des avis divergents du sien. Il se doutait que je n’allait pas aller systématiquement dans son sens. Je me demandais évidemment ce qu’il allait penser du rapport, mais visiblement il a respecté mes réflexions. On ne m’a rien demandé de changer, ce que je n’aurais d’ailleurs pas fait. Eric Besson m’a remercié pour mon travail dans un communiqué, mais je n’ai pas eu d’échanges directs sur le contenu du rapport. A mon avis, le ministère est plutôt content du résultat; j’espère qu’il va le suivre.

“Le CNN n’est qu’un aiguillon de la politique numérique; son rôle n’est que consultatif”

L’indépendance du CNN reste tout de même au coeur du rapport. Pensez-vous qu’il y a un risque réel que le CNN devienne une annexe du gouvernement ?

J’ai recommandé que le CNN soit rattaché au Premier Ministre, notamment d’un point de vue financier. C’est un gage d’autonomie, ce n’est pas dirigé à l’encontre d’Eric Besson. Il y a aussi un enjeu sur le fond: Internet est un sujet transverse, il ne peut être rattaché à un seul ministère…

Après, s’il n’est pas dégagé du gouvernement, le CNN ne servira à rien. On a besoin d’une sorte de comité des sages avec des gens qui connaissent très bien le numérique. Non pas des lobbyistes, mais des acteurs dont la légitimité est reconnue, mais aussi des internautes, afin qu’ils dialoguent avec le gouvernement et le Parlement.

Le but est aussi de venir à bout de cette opposition ridicule du Parlement et du monde du numérique, jusque là impliqué bien trop tard dans les projets de loi. Forcément, le processus force l’opposition, la réticence. Cette réflexion peut mieux se passer. Un exemple: si on avait choisi ce mode de fonctionnement, on aurait évité plus tôt une absurdité comme la taxe Google.

Vous faites un constat sans détour: le politique s’y est mal pris jusque là dans le numérique et désormais, le CNN va l’assister…

Oui, mais toute proportion gardée, le CNN n’est qu’un aiguillon de la politique numérique; son rôle n’est que consultatif. Il faut être réaliste: les endroits où les décisions sont prises existent déjà.

Mais si les membres sont légitimes, et qu’on se donne les moyens de faire entendre leur voix, alors peut-être qu’on ira au-delà de l’opposition stérile que j’évoquais. Après bien sûr, certains sujets comme Hadopi, sont éminemment politiques et les oppositions seront toujours là. Mais si on peut évacuer quelques points en discutant, tant mieux.

Les parlementaires sont en demande d’une aide sur les questions du numérique ?

Franchement, oui. Parfois ils se disent un peu démunis, parfois carrément perdus et le fait d’être assailli par les actions des lobbyistes n’arrange rien…

Il faut voir que c’est un secteur très technique, qui nécessite en plus de se prononcer très rapidement.

Se pose la question de l’interlocuteur: à qui parler, sachant qu’il existe un grand nombre d’associations, très différentes les unes des autres. Celles-ci travaillent depuis longtemps à une sorte d’unification du numérique, le CNN pourrait, si ce n’est les rassembler, aller au-delà en incarnant l’ensemble du secteur. Il pourrait être une interface entre les ministères et les institutions concernées, en établissant un meilleur dialogue.

Vous n’avez pas peur que ce rôle d’assistant soit mal pris, notamment par les autorités administratives indépendantes qui travaillent déjà sur Internet ? Qu’elles vous reprochent de venir marcher sur leurs plates-bandes ?

Si, effectivement.

Prenons le cas d’Hadopi: selon moi, l’institution n’aurait jamais dû être créée. Selon moi, on va très vite se rendre compte que la Hadopi ne marche pas, certains le constatent d’ailleurs déjà. Le problème c’est que ce ne sera jamais supprimé, c’est symboliquement et politiquement trop important pour voir une telle décision survenir et c’est dommage. Le CNN ne peut pas réparer les erreurs passées, mais si il peut les éviter dans le futur… Maintenant que la Hadopi est là, le CNN peut peut-être aider à son action… Mais c’est vrai que je n’y crois pas tellement. Ca ne va certainement pas se passer comme ça.

“La légitimité du CNN dépend du casting à venir”

Certains redoutent son inefficacité. A partir de quel moment estimeriez-vous que le CNN est une réussite ou, à l’inverse, un échec?

Selon moi, c’est forcément mieux de l’avoir que de ne pas l’avoir. Je suis convaincu que s’il avait été constitué avant, on aurait évité des lois absurdes. Donc c’est forcément positif.

La question désormais est de voir à quel point il sera légitime et cela dépend du casting à venir. Il y a un risque qu’il ne soit pas bon. Cette crainte est légitime; c’est une mise en garde assez saine.

D’autres, notamment des blogueurs, s’inquiètent de l’orientation économique donnée au rapport, arguant qu’Internet dépasse cette seule considération. Qu’avez-vous à leur répondre ?

C’est précisément pour cela que nous avons mis en place la consultation publique, à laquelle les blogueurs ont finalement assez peu répondu, ce qui nous a surpris, à l’inverse des entreprises. Je ne pense pas que ça donne une couleur au rapport, c’est plus le signe qu’elles ont un intérêt pour Internet.

A l’origine, nos consultations ne mentionnaient pas vraiment l’aspect économique. C’est avec les différentes réponses récoltées qu’on en est venu à aborder ce point. Ce n’est pas complètement absurde, quand on réfléchit la plupart des grands débats sur Internet sont orientés sur l’économie du numérique: la taxe Google, la propriété intellectuelle…

Vous évoquez le G20 et la place que le CNN, s’il était créé à temps, pourrait éventuellement tenir. Quelles fonctions avez-vous en tête ?

Franchement, je n’en sais rien. C’est éminemment politique. Nicolas Sarkozy a dit que le G20 allait se focaliser sur Internet. Créer le CNN avant cet événement est donc plutôt une bonne chose. Après, je ne suis pas complètement convaincu que des choses intéressantes se dégagent dans ce cadre là. Les enjeux sont beaucoup plus compliqués, chaque pays a sa propre vision du réseau: une forme de domination culturelle pour les États-Unis, un moyen de contrôler l’info en Chine… je caricature volontairement, mais en gros c’est ça: chaque pays a des intérêts divergents.

“En choisissant la nomination, l’Élysée a voulu aller vite et certainement garder la main sur le CNN”

Quel est le calendrier à venir ?

Courant mars, il devrait avoir la publication de deux décrets -ou de deux en un -, l’un sur la nomination des premiers membres du CNN, l’autre sur la mission du CNN, qui j’espère reprendra de nombreux éléments du rapport.

Sur la nomination justement, vous étiez initialement en faveur d’une élection des membres du conseil…

L’Elysée a choisi la nomination du CNN, certainement pour garder la main dessus et pour aller plus vite. De notre côté, nous voulions des élections: du coup nous proposons une nomination pour le premier comité, pour des raisons d’urgence, mais espérons, dans un deuxième temps, après les premiers mandats de deux ans, une élection.

On peut envisager que les associations votent, collège par collège: associations de FAI, d’e-commerçants, de fournisseurs de contenu, de consommateurs, etc. Ce serait un excellent moyen d’assurer la plus grande représentativité.

Vous évoquez aussi rapidement les nombreuses candidatures que vous avez reçues pour siéger au CNN…

Oui, c’est un peu la fête ! Ils lisent tous le rapport et j’ai beau leur dire que je ne m’occupe pas de la composition, ils ne me croient pas. Les profils sont plus ou moins légitimes et très diversifiés: du grand patron de groupe aux blogueurs. Je transmets au ministère de l’industrie quand les candidatures me semblent pertinentes. Il y en a beaucoup plus que le nombre de places.

Combien de membres justement ?

Entre dix et douze, dont trois ou quatre permanents.

Rémunérés ?

Pour moi, les membres du Conseil devront être bénévoles (je précise que je l’ai été aussi pour cette mission), sinon leur indépendance ne saurait être assurée. Cela permettra aussi d’établir une structure plus légère qui est nécessaire au bon fonctionnement du CNN.

Vous déclarez en préambule du rapport que vous ne souhaitez pas être membre du Conseil national du numérique. C’est toujours d’actualité ?

Oui, je pars en vacances ! Sérieusement, je ne veux pas en être. Je ne peux pas être à la fois responsable de la mission et membre du CNN. Si cela avait été le cas, on m’aurait taxé de ne pas être indépendant et de me fabriquer un job sur mesure. Je suis en plus très occupé et pour que le CNN fonctionne, il faut selon moi lui consacrer beaucoup de temps. Mais cela ne veut pas dire que je serai absent du débat public sur le Comité et sur Internet.


Illustrations CC FlickR: leafar, PriceMinister (1, 2)

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