OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le cyberespion russe espionné http://owni.fr/2012/11/02/le-cyberespion-russe-espionne/ http://owni.fr/2012/11/02/le-cyberespion-russe-espionne/#comments Fri, 02 Nov 2012 16:27:11 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=124972

C’est une histoire tirée d’un roman d’espionnage, plutôt à la mode OSS 117. Un État fabrique un logiciel espion, le lance sur sa cible, un autre État. Celui-ci s’en rend compte, dissèque ledit logiciel dans le plus grand secret. Il décide ensuite de piéger l’attaquant, y parvient. À la fin, il publie un rapport avec les photos du pirate ennemi, obtenues en entrant dans son ordinateur.

Fin de la fiction. L’histoire est réelle. Le rapport a été publié en anglais la semaine dernière par l’agence d’échange de données géorgienne. Il pointe la main de la Russie dans une cyberattaque importante contre la Géorgie découverte en mars 2011. “Un acte de cyberespionnage” écrit l’agence dans son rapport qui détaille le modus operandi sophistiqué de l’attaque.

Informations confidentielles

Première étape : des sites d’informations géorgiens sont piratés. Le script malveillant placé sur ces pages infecte les ordinateurs des visiteurs. La pêche aux “informations confidentielles et sensibles” peut commencer. Étape deux : les ordinateurs piratés sont criblés pour dénicher les précieuses informations qui sont renvoyées (c’est l’étape trois) vers un serveur distant. Malins, les artisans de l’attaque changent régulièrement l’adresse du serveur.

Un jour sous surveillance

Un jour sous surveillance

Les documents révélés par WikiLeaks laissent entrevoir le paysage de la surveillance. Un téléphone portable devient un ...

Non content d’obtenir ces documents – principalement word, powerpoint et pdf à propos des questions des relations avec les États-Unis ou l’Otan – les pirates peuvent avoir accès aux micros et caméra de l’ordinateur infecté. Des fonctionnalités sophistiquées, mais pas hors du commun à en croire le catalogue de certains marchands d’armes de surveillance…

390 ordinateurs ont été infectés détaille le rapport de l’agence géorgienne. Une immense majorité en Géorgie, et quelques 5% en Europe et en Amérique du Nord. Les autorités géorgiennes affirment avoir reçu l’aide de services étrangers (américains et allemands) ainsi que l’assistance de grandes entreprises comme la division cybersécurité de Microsoft. Une fois disséqué, le logiciel malveillant a permis de remonter à la source. Les autorités géorgiennes sont parvenues à identifier le pirate, et le prendre en photo avec sa webcam.

La moustache de Moscou

Pas peu fière, l’organisation chargée de la cybersécurité géorgienne raconte :

Nous avons trouvé un PC infecté dans notre lab, avons envoyé une fausse archive ZIP, intitulée “Georgian-Nato agreement’, qui contenait le virus. L’attaquant a dérobé cette archive et a exécuté le fichier malveillant. Nous avons maintenu le contrôle sur son PC, puis capturé une vidéo de lui, personnellement.

La prise est évidemment jointe au dossier : deux photos d’un homme moustachu, sans uniforme, dans ce qui ressemble à un appartement.

Pour la Géorgie, l’origine de l’attaque ne fait aucun doute : Moscou est derrière. Ce ne serait pas une première. Lors de la guerre entre les deux pays à l’été 2008, le Russie avait mené des cyberattaques concomitamment aux attaques sur le terrain. Le rapport ne manque pas de le rappeler, citant “deux organisations indépendantes américaines”. Les cyberattaquants avaient alors pu compter sur “certaines ressources” appartenant à l’Institut de recherche du ministère de la défense russe.


Illustration par Alvaro Tapia Hidalgo [CC-byncnd]
Photos tirées du rapport [PDF] Cyber Espionnage against Georgian government (DR)

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Internet russe : vrai filtrage, fausse liberté http://owni.fr/2011/05/12/internet-russe-vrai-filtrage-fausse-liberte/ http://owni.fr/2011/05/12/internet-russe-vrai-filtrage-fausse-liberte/#comments Thu, 12 May 2011 11:23:27 +0000 Marina Livinovitch (trad. Noele Belluard-Blondel) http://owni.fr/?p=62359 Le 18 avril 2011, l’organisation américaine à but non lucratif Freedom House a publié un rapport sur la liberté d’Internet dans le monde. Le rapport “Freedom on the Net 2011” (Liberté du Net 2011) analyse la liberté d’accès à Internet en 2009-2010 dans 37 pays [en anglais comme tous les liens, sauf mention contraire].

Dans le rapport (rédigé par Alexey Sidorenko de Global Voices et rédacteur en chef de RuNet Echo), la Russie est classée parmi les pays qui n’ont qu’une « liberté partielle » d’accès à Internet. Comparée au précédent rapport de l’organisation, publié en 2009, la position de la Russie dans les classements a chuté.

Parmi les voisins de la Russie sur la liste des pays « partiellement libres » se trouvent le Rwanda, le Zimbabwe et l’Égypte. Parmi les républiques de l’ancienne URSS, les experts de Freedom House ont identifié comme pays « partiellement libres », en plus de la Russie, la Georgie, l’Azerbaïjan et le Kazakhstan. La Biélorussie apparaît sur la liste des « pays non libres » tandis que l’Estonie se trouve sur la liste des « pays libres » – en fait, l’Estonie est dans les classements en tête de tous les pays mentionnés dans le rapport. Les autres anciens voisins soviétiques de la Russie sont absents des classements.

À la traîne sur la liste de Freedom House se trouvent Cuba, la Birmanie et l’Iran, où les experts ont enregistré la pire situation quant à la liberté d’Internet.

On ne peut discuter des faits listés dans le rapport relativement à la Russie. Des questions surgissent tout de même sur leurs analyses et leur interprétation.

Première question importante : Quels aspects de ce classement émanent vraiment des autorités ou des structures étatiques ? Quelle est la part exacte des autorités russes dans l’« absence de liberté d’Internet ». Après tout, il est communément accepté que la restriction de liberté est envisagée en fonction de son utilité aux politiques des autorités et au fonctionnement de la législation.

Si nous regardons soigneusement la liste, nous pouvons voir deux types évidents d’actions émanant des structures étatiques :

“Des E-Centres” pour poursuivre les extrémistes

1. Les activités des agences d’application de la loi et des unités de lutte contre l’extrémisme (dénommées les “E-Centres”), lesquelles en fait ciblent les poursuites contre les blogueurs (mais pas seulement) ayant exprimé leurs opinions sur Internet. Très souvent, des procès sont faits d’après l’Article 282 du Code Pénal ; en particulier d’après la Partie 1, laquelle inclut des amendes pour :

les activités qui sont menées de manière publique ou via les médias et visent à l’incitation à la haine ou à l’hostilité ou au dénigrement d’une personne ou d’un groupe de personnes pour des raisons de sexe, de race, de nationalité, de langue, d’origine, de tendances religieuses ou d’appartenance à un groupe social particulier.

L’auteur de cet article a expliqué plus d’une fois comment ce mécanisme fonctionne. Les E-Centres sont des unités opérationnelles du Ministère des Affaires intérieures (MIA) dans chaque région russe. Ils exercent les fonctions du MIA dans le domaine du contre-extrémisme. Ces unités ont un plan directif pour la lutte contre l’extrémisme : un certain nombre de citoyens doivent être pendant une période de temps donné tenus responsables de l’activité extrémiste.

Où les E-Centres cherchent-ils des extrémistes ? Repérer ceux qui sont en train d’ourdir « la formation d’organisations extrémistes » ou toute autre sorte d’activités extrémistes est difficile : parce que vous avez besoin d’informateurs pour mener une surveillance de qualité sur une longue période et pour collecter informations et preuves. C’est difficile. Il est plus facile de trouver des « extrémistes » sur Internet tout en étant assis devant un ordinateur dans son bureau, en lisant des blogs et des forums et en cherchant les opinions acerbes et critiques émises par certains sur les autorités, un groupe social, etc…

C’est un travail peinard : on trouve une déclaration et, si l’auteur est quelque peu identifié, on s’oriente vers le fournisseur d’accès Internet pour découvrir de quel ordinateur le message a été envoyé. Et c’est tout. Un extrémiste est extirpé, la tâche est exécutée, la question close, les patrons contents, un rapport sur « la lutte contre l’extrémisme » est envoyé à Moscou, et la note de ses fantassins continue d’être payée sur le budget de l’État.

Voilà précisément pourquoi la cyber-communauté russe et les militants des Droits de l’Homme doivent se battre pour l’abolition de l’Article 282 du Code Pénal de la Fédération russe. Comme le démontrent les pratiques relatives à l’application de la loi, n’importe qui peut tomber dans la catégorie des « extrémistes » : les blogueurs, les utilisateurs d’Internet, les écrivains, les militants associatifs, les personnalités religieuses, qui vous voulez, pourvu que cela justifie l’existence des E-Centres, lesquels, d’ailleurs, étaient auparavant les « Unités de lutte contre le crime organisé » et ont conservé leurs habitudes d’organiser des réunions sur les quotas. Il est aussi nécessaire, pense l’auteur, que les Centres de Lutte contre l’Extrémisme ferment, puisqu’ils sont impliqués dans des activités qui vont au-delà de leurs attributions : en réalité, ils poursuivent la libre expression des opinions, qu’elles soient politiques ou religieuses.

En ce qui concerne la poursuite des blogueurs, la vraie raison derrière cela n’est souvent pas la déclaration d’une personne donnée sur un blog ou sur Internet, mais bien plutôt ses autres activités (sociales, politiques ou commerciales). L’expression d’une opinion sur Internet sert seulement de prétexte commode à l’amorce de pressions ou de poursuites.

Bloquer les ressources Internet

2. La deuxième action qui émane de l’État et dirigée « contre Internet » implique le système judiciaire, lequel, à l’instigation du bureau du procureur public, peut décider de bloquer les ressources Internet. Et en effet, le tribunal de la ville de Komsomolsk-na-Amur a pris la décision judiciaire complètement illogique de fermer l’accès des utilisateurs à YouTube au motif que le site abritait de prétendus contenus extrémistes. Plus tard, la Cour d’appel a fait annuler cette décision, ayant identifié les pages précises sur le site pour lesquelles l’accès devait être bloqué par les fournisseurs d’accès Internet. Le cyber-militant russe bien connu, Anton Nosik, a ensuite écrit sur son blog [en russe] :

Le verdict du tribunal de par son niveau primaire est typique de toutes les procédures judiciaires du pays relativement à Internet. « Ces incidents ne sont », d’après Nosik, « en somme, qu’un amusant épisode judiciaire lequel n’a pas de conséquence concrète pour des dizaines de millions d’utilisateurs d’ Internet en Russie.»

Le nombre des décisions prises par ignorance par les tribunaux russes est bien connu de tous, et cela ne concerne pas qu’Internet. C’est un domaine que la majorités des juges et des procureurs ne comprennent pas ; ils ont tendance à confondre les sites entretenus par leurs propriétaires avec les services ou les sites fondés sur un contenu généré par les utilisateurs.

Cette ignorance concernant les réalités d’Internet, toutefois, n’est pas spécifique aux seuls juges et procureurs en exercice. Il n’y a pas longtemps, un homme d’affaires a demandé à un ami qui était le « rédacteur en chef de Twitter » et s’il était possible de le rencontrer. L’ignorance générale des gens quant aux réalités d’Internet conduit à de tels épisodes.

La conclusion ici est simple : un mouvement qui concentrerait ses efforts afin que cette lacune en terme de connaissances soit palliée est requis, et ce, afin que les décisions relatives à la « fermeture de YouTube » provoquent non seulement l’indignation des utilisateurs mais aussi le rire franc de la cyber-communauté ne croyant pas qu’une réelle fermeture de YouTube pourrait survenir.

Un contrôle non traçable

Quant aux faits restants contenus dans le rapport de Freedom House , ils ne témoignent d’aucune relation quelconque avec l’ État ou les actions des autorités – pas même indirectement. On ne peut établir de lien entre les attaques DDoS (par déni de service distribué) – lesquelles ont ces derniers temps menacé LiveJournal.com et le site Novaya Gazeta – et l’Etat [en français] car elles peuvent résulter soit d’ordres commerciaux soit des activités illégales de certains individus. Idem pour le piratage de certains sites par cette « satanée Brigade ».

L’activité dans blogosphère par les “organisations de jeunesse pro-Kremlin” est un fait plus positif que négatif, reflétant une réelle liberté d’expression des forces politiques de tous bords. Il y a preuve d’une activité tant libérale que nationaliste dans la blogosphère : on y voit les partisans et les opposants de Poutine, ceux de Staline, ceux de Khodorkovsky.

Les moyens de mener les discussions ne sont pas toujours bons il faut l’avouer : attaques de trolls, spams et attaques personnelles. Mais on peut déposer plainte contre n’importe qui, pas seulement contre les « forces pro-Kremlin ». Le fait est qu’en fonction du sujet, des groupes divers se mobilisent de manière différente, de sorte que dans certaines discussions (en effet, celles se rapportant à des sujets tels que Staline, Eltsine, Khodorkovsky, l’Eglise russe orthodoxe et bien d’autres) les groupes mieux mobilisés y participent avec une plus grande agressivité et un plus grand acharnement.

Bien sûr, l’achat de services et de sites qui marchent par des hommes d’affaires proches du Kremlin peut, jusqu’à un certain point, être mis sur le compte de l’« influence étatique. » Mais il me semble qu’ en ces cas précis, nous avons affaire au souhait ordinaire en affaires de la part de ces derniers d’acquérir une entreprise commercialement prospère.

De plus, il est difficile de citer un exemple de propriétaires qui auraient influencé la ligne éditoriale de Lenta.ru ou la politique «éditoriale» de LiveJournal. Les blogs sur LiveJournal sont complètement libres, et lorsque récemment le site a été fermé [en français], cela pouvait être imputable à une attaque DDoS mais aussi à des problèmes techniques non résolus par le service lui-même. Un autre facteur important est une déclaration du Président Medvedev, lequel a attiré l’attention sur les attaques menées contre le service d’hébergement d’un blog connu et les a condamnées. Un président venant à la défense d’un service d’hébergement d’un blog connu est sans précédent ailleurs.

Il est encore utile de rappeler que la position ferme du Kremlin quant à l’initiative du Service de Sécurité fédéral (FSB) d’interdire l’accès à Skype, à Gmail et à Hotmail, au sujet de laquelle j’ai d’ailleurs écrit un précédent article. La vérité est qu’une autre initiative encore du gouvernement russe est apparue quelques jours plus tard: une appel à mener des recherches sur l’expérience étrangère quant à la réglementation de la responsabilité des réseaux Internet. Les recherches devraient analyser la législation des États-Unis, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et du Canada tout autant que celle de la Chine, de la Biélorussie et du Kazakhstan où, comme nous le savons, Internet est bloqué.

Dans l’ensemble, la conclusion de l’auteur quant à la situation d’Internet en Russie, telle qu’elle est décrite dans le rapport “Freedom on the Net 2011/Liberté du Net 2011″ est la suivante: oui, la Russie peut être incluse parmi ces pays ayant un accès Internet «partiellement libre». Dans le même temps, ce manque particulier de liberté n’est pas dû à des politiques délibérées des autorités fédérales. Les autorités ne cherchent pas, du moins présentement, à limiter la liberté d’Internet, et la position de Medvedev sur cette question est assez claire. Seuls l’ Article 282 du Code pénal et les activités des « Centres de lutte contre l’extrémisme » soulèvent une réelle inquiétude.

En dépit de cela, non seulement les utilisateurs d’Internet mais aussi les défenseurs des Droits de l’Homme, les militants politiques, les historiens, les personnalités religieuses et autres « fauteurs de troubles » souffrent de cette situation. Internet n’est ici qu’un prétexte d’accusation. Les juges et les procureurs ignorants sont aussi un problème – non seulement quant à Internet mais parfois quant à la législation en général, une législation qu’eux-mêmes ne comprennent pas ou interprètent très mal. Un autre vrai problème encore que nous rencontrons en Russie c’est la fait que nous ayons affaire à une multitude d’acteurs qui peuvent se livrer à des violences contre les blogueurs et les militants. Cette multitude peut sembler être un instrument intégré de l’État autoritaire mais, si nous y regardons de plus près, elle se révèle être un vecteur résultant des actions de divers agents de sécurité, de bureaucrates et de malfrats.

En conséquence, pour « libérer » Internet et faire remonter la Russie dans les classements de Freedom House, la communauté russe doit s’intéresser à l’Article 282 et entamer une campagne pour qu’il soit abrogé. La cyber-communauté russe en a assurément le pouvoir.

Ce billet est publié par RuNet Echo, un projet de Global Voices destiné à mieux faire connaitre le Web russe en le traduisant. Publié sur Global Voices France.

Ecrit par Marina Litvinovich · Traduit par Noele Belluard-Blondel

Illustration Flickr CC Umberto Lopez et M3Li55@

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[ITW] «La Russie est un état féodal» http://owni.fr/2011/05/05/itw-%c2%abla-russie-est-un-etat-feodal%c2%bb/ http://owni.fr/2011/05/05/itw-%c2%abla-russie-est-un-etat-feodal%c2%bb/#comments Thu, 05 May 2011 16:43:37 +0000 Xavier Monnier http://owni.fr/?p=61177 A 36 ans, Vitaly Dimitrievich Arkhangelsky est déjà un vieux routier des affaires russes. Aujourd’hui réfugié sur la Côte-d’Azur à cause d’un différend qui l’oppose à l’oligarque Sergueï Pougatchev, il explique ici sa lente descente aux enfers de la politique russe.

Pourquoi avoir alerté le président Medvedev de votre situation et dénoncé sur son blog la corruption qui sévit à Saint-Pétersbourg?

A posteriori, je pourrais me dire que c’était une erreur. Mais à l’époque j’étais convaincu que les réformes que le président avait promues auraient pu avoir un effet sur le système judiciaire et que je pourrais avoir un procès équitable. Rien de cela n’était vrai et je l’ai progressivement compris. J’ai fait tout ce qui était possible pour me défendre, défendre mes droits devant les tribunaux. Mais à chaque fois les instances assujetties aux autorités de Saint-Pétersbourg annulaient les décisions des deux ou trois tribunaux qui m’étaient favorables.

« Des menaces directes et physiques en France »

J’ai été naïf et j’ai cru qu’une jeune personne avec mon cursus pouvait changer la situation. Le seul enseignement que j’ai pu en tirer est que la Russie est un état féodal. Le gouvernement central ne contrôle pas la situation dans ses régions et ne se préoccupe que de l’argent des ressources énergétiques. Lors de la manifestation du 1er mai, le président du conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe, Ndlr), M. Sergueï Mironov a officiellement déclaré qu’il y avait urgence à ce que Saint-Pétersbourg change de gouvernement et de gouverneur…

Vous dénoncez la corruption, le gouverneur de Saint-Pétersbourg, le climat délétère des affaires en Russie. Menez-vous un combat personnel?

Au départ, je ne pensais qu’à mon propre cas. Mais je suis devenu un symbole parce que j’ai été le premier patron de PME russe à avoir le courage de résister à cette oppression et à dénoncer le dévoiement du ministère de l’Intérieur, du gouvernement local et des forces spéciales Omon. J’ai certainement été victime de mes idées politiques, qui se résument à une volonté de lutter contre la corruption en Russie. D’autres ont de telles idées, à l’instar de Evgeny Chichvarkin, Andrey Korchagin, Alexey Navalny… etc.

Sergueï Mikhailovitch Mironov, président du Conseil de la Fédération.

Elles sont d’autant plus importantes que Pierre le Grand, le fondateur de Saint-Pétersbourg, a voulu faire de la ville une vitrine de la Grande Russie pour l’Europe, et cette vitrine présente désormais le pire aspect de notre pays. Le gouvernement local ne cherche pas à rendre notre ville attractive pour les investisseurs. Leur seule préoccupation est le profit à court terme, même par des voies illégales.

De mon côté, mon parcours et mon activité en attestent, j’ai toujours essayé d’oeuvrer au développement de l’économie de mon pays, de sa prospérité et d’y attirer le gratin de la finance mondiale.

Croyez-vous encore avoir un avenir en Russie?

Mon entreprise dans le port de Vyborg continue de fonctionner et j’essaie de la diriger à distance. La Bank Vozrozhdenie continue de soutenir mes activités. Si la situation politique à Saint-Pétersbourg change, bien sûr je pourrais revenir. Mais je ne veux pas aller en prison comme M. Khodorkovsky parce que des délits imaginaires me sont imputés. J’ai souffert de menaces directes ou physiques en France. Des messages très clairs m’ont été adressés, ainsi qu’à mes avocats, me prévenant que le ministère de l’Intérieur préparait de nouvelles plaintes contre moi. Et ils ont prévenu mes conseillers que je ne pourrai plus jamais me rendre en Russie et avoir une vie normale, que je croupirai en prison le reste de ma vie si je revenais. Ils ont également menacé le personnel qui continue à travailler pour mes compagnies.

Où en sont vos procédures ?

Les procédures en Russie sont sans espoir. Au vu de la corruption qui règne, des pressions constantes sur la justice, de la dictature qui y existe, il n’y a aucune chance que j’ai droit à un jugement équitable. J’ai engagé des procédures en Europe et j’espère qu’elles aideront à changer la donne.

« Plus de 500 000 compatriotes ont fui la Russie »

Avez-vous rencontré des compatriotes dans une situation similaire?

Plus de 500 000 compatriotes (dont 90 000 font l’objet d’un mandat Interpol) ont fui comme moi la Russie. Ils ont prospéré dans une ville, l’ont enrichie, développé son économie en espérant un développement démocratique et un état de droit. Mais dès que leurs affaires ont eu un certain succès, ils ont été l’objet de menaces ou on leur a tout bonnement conseillé de vendre leurs entreprises pour quasiment rien et de s’en aller.

Grâce à Internet, nous avons la chance de pouvoir communiquer entre nous, de partager nos opinions, ce qui n’était et n’est toujours pas possible en Russie. Tous n’ont pas résisté. Beaucoup ont préféré laisser tomber et s’enfuir, oublier ces jours terribles et démarrer une nouvelle vie ailleurs. L’histoire russe est remplie de vagues d’émigrations et nous en vivons une nouvelle. Mais le temps passe et les gens commencer à penser à deux questions classiques de Dostoïevski: « Qui est responsable, que faire »?

Il est important de comprendre l’ampleur du phénomène. Que vous dirigiez 1000 personnes ou une boulangerie, tant que cela fait de l’argent facile pour le pouvoir politique, ou seulement pour ceux qui ont une arme, vous pouvez être une cible du racket.

Je constate que tous ces émigrés sont les réels entrepreneurs de la Russie actuelle, ceux qui ont essayé de créer de la richesse. Se contenter des réserves pétrolières et gazières ne suffira pas à développer notre pays.

Mon grand-père, Leonid Kantorovitch, est le seul russe à avoir eu le prix Nobel d’économie et il a montré au monde que même dans des économies fermées comme l’Union soviétique, il y a une voie pour le développement. Je dis à ceux qui sont restés en Russie et à ceux qui vivent désormais à l’étranger qu’une autre vie est possible, et j’essaie de montrer comment les choses pourraient changer.

Avez-vous des soutiens en Russie?

Très peu. Tous mes amis me soutiennent, mais discrètement. Ils sont très effrayés à l’idée d’être arrêtés pour leur soutien à un “criminel en fuite” comme moi, ou de simplement perdre leur job. J’ai eu un ami fonctionnaire de Saint-Pétersbourg qui a essayé de me prouver qu’il y avait un propriétaire à Saint-Pétersbourg et que je ne pouvais rien faire ici. Je lui ai dit que le vieux principe français “L’état c’est moi” n’existait plus en Europe et que je me battrai contre ce principe. J’essaie de continue mon business en Russie, malgré les barrières et les incompréhensions de mes anciens amis et collègues.

Pourquoi avoir choisi la France?

Ma famille a choisi la France bien avant que nous émigrions. Mes arrières grand-parents faisaient partie de la noblesse russe et ont été très influencés par la culture française. Nous avons souvent voyagé en France au cours des dix dernières années.

« La France doit comprendre la situation de mon pays »

Historiquement, la France reste le pays de la noblesse et de la culture russe. Il y a seulement deux cents ans, la noblesse parlait français et pas russe. Mais nous avons perdu cela il y a un siècle, avec l’ère soviétique. Nous voulions revenir et redécouvrir ces trésors que votre pays essaie de sauver. Nous avons acheté un appartement, nos enfants vont à l’école catholique, même si nous nous considérons comme des orthodoxes. Je travaille 15 heures par jour alors je ne suis pas “un nouveau russe”. Culturellement, la France est un merveilleux pays et nous voulions que nos enfants apprennent la langue, la littérature et la culture française.

Quel est votre statut aujourd’hui?

J’avais une carte de séjour avant de faire une demande d’asile en France et je n’ai aucun problème avec l’immigration. Je n’ai pas fait une demande d’asile pour pouvoir rester en France, mais pour que la France comprenne la situation dans mon pays.

Mes enfants vont à l’école, ma femme a appris le français plus vite que moi. Quant à la procédure d’extradition, j’essaie de montrer que les demandes des autorités russes ne sont pas compréhensibles. La justice française a d’ailleurs demandé des clarifications à son homologue russe, qu’elle n’a toujours pas eues…

Comprenez-vous le refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) de vous accorder le droit d’asile?

Non. Je pense qu’ils n’ont pas mesuré le sérieux de la situation ou alors il s’agit d’une décision politique. Nous avons fait appel et nous pourrons sûrement mieux nous exprimer devant la juridiction d’appel. Mes avocats n’ont même pas été entendus par l’Ofpra. Il y a dû y avoir une sorte d’instruction donnée par le ministère français de refuser le plus de cas possibles de demandeurs d’asiles, vu que le ministre de l’Intérieur veut réduire l’immigration et que les demandeurs d’asiles sont dans leurs statistiques.

Je ne peux pas accepter la décision de l’Ofpra qui argue que, comme j’ai obtenu gain de cause dans deux ou trois juridictions, il y a des procès équitables en Russie. L’Ofpra va à l’encontre de tous les rapports d’Amnesty International et a oublié les cas de la cour européenne des droits de l’homme. Mes avocats sont confiants dans la procédure.

Photo : FlickR CC Jenny Poole ; Xavier Monnier ; Presidencia de la Republica del Ecuador ; Andrey Korchagin.

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Oligarques et châtiments http://owni.fr/2011/05/05/russie-oligarques-chatiments-arkhangelsky-poutine-medvedev/ http://owni.fr/2011/05/05/russie-oligarques-chatiments-arkhangelsky-poutine-medvedev/#comments Thu, 05 May 2011 15:18:04 +0000 Xavier Monnier http://owni.fr/?p=61064 Un homme jeune, un nom russe, une fortune rapidement bâtie dans l’import-export, le fret maritime et les activités portuaires du côté de Saint-Pétersbourg, une résidence à Nice…

Directeur général et principal actionnaire de la holding Oslo Marine Groupe (OMG), Vitaly Dimitrievich Arkhangelsky présente à 36 ans tous les traits de l’oligarque russe classique. Ou du moins, l’image que le tout venant s’en fait. Dans un sourire qui enrobe son anglais, il glisse :

Et pourtant je ne suis pas du tout un oligarque. Je n’ai pas fait fortune sur les cendres de l’URSS, ni bénéficié de privatisations des matières premières.

Quelques détails manquent en effet au cliché. Un portefeuille de millionnaire bien moins fourni que celui des plus célèbres de ses compatriotes, milliardaires eux. Un goût pour l’extravagance nettement moins prononcé également. Et un assez peu courant combat contre la machine judiciaire, symptomatique du climat actuel des affaires en Russie.

SOS, petits oligarques en détresse

Quand un Abramovitch, président du football club de Chelsea inonde la planète football de sa fortune, un Pougatchev ou un Lebedev se piquent de racheter des journaux occidentaux, respectivement France-Soir ou l’Evening Standard, quand un Prokhorov provoque un scandale de mœurs à Courchevel ou rachète une villa pour plusieurs millions d’euros sur la Côte-d’Azur, Vitaly, lui, passe ainsi son temps à ferrailler devant les tribunaux. Français et russes.

“On assiste à un véritable harcèlement judiciaire orchestré par les autorités”, résume l’un de ses avocats, Me Léa Forestier, “une pratique de plus en plus répandue contre laquelle mon client se bat”. Et l’avocat de renvoyer vers un rapport du Conseil de l’Europe du 29 septembre 2009 sur le sujet:

Depuis plusieurs années, des exemples d’utilisations abusives du système judiciaire à des fins économiques ont été constatées, notamment dans la fédération de Russie. Les nationalisations d’entreprises privées motivées, selon la justice russe, par des allégations de fraude ont conduit de nombreux dirigeants d’entreprise à fuir le territoire russe ou à être emprisonnés.

Les grands groupes, à l’instar du pétrolier Ioukos dont l’un des dirigeants Mikhaïl Khordokovski est en prison depuis 2003, ne sont plus les seuls visés. Une filiale de la HSBC a ainsi été fermée en 2007, après avoir été placée par le pouvoir russe sur la liste noire des sociétés portant atteinte à la sécurité nationale. “Plusieurs dirigeants ont été molestés et de nombreux documents ont été saisis. Une enquête a été diligentée par les services secrets russes (FSB), qui a abouti au démantèlement de la société”, précise le rapport.

Ce système touche également les petites et moyennes entreprises (…) La conquête économique de l’entreprise peut avoir pour motivations la rentabilité financière de cette dernière et la mise au pas de la concurrence mais également, dans le cas des petites et moyennes entreprises, la situation géographique de ces dernières. L’entreprise conquise est ensuite louée à un prix exorbitant ou détruite pour y construire à la place un immeuble plus important.

Une bataille judiciaire de longue haleine

Les plus importantes sociétés de Vitaly Arkhangelsky étaient idéalement situées sur le port de Saint-Pétersbourg. Il est accusé d’escroquerie bancaire. Son groupe était florissant, valorisé à près d’un milliard de dollars avant le début des procédures.

Dès que mon groupe a commencé à être rentable, les soucis ont commencé.

Novembre 2006, l’État russe s’invite dans une cinquantaine de sociétés détenues par le groupe OMG. Pas franchement une visite de courtoisie. La police et les unités des forces spéciales du ministère de l’Intérieur (les Omon) réalisent un véritable raid, séquestrent 200 salariés pendant toute une journée et réclament des pots-de-vins pour se retirer. Refusé. Mais la balade semble avoir tellement plu aux flics qu’elle leur donne envie d’y revenir.

De nouvelles descentes en juin, août, à l’automne 2007 dégourdissent les jambes des forces de police, qui ne repartent pas les mains vides. Ordinateurs, serveurs, documents comptable, tout est embarqué au prétexte d’une fraude fiscale dont se serait rendu coupable le groupe. En passant, les salariés sont aimablement invités à témoigner contre Vitaly et “dénoncer les activités répréhensibles” de leur boss. Une première vague comme une mise en bouche. Avec un objectif selon Arkhangelsky, “faire pression sur moi et mes employés”.

En guise de réponse, le patron d’OMG porte plainte contre l’illégalité de ces opérations… et obtient gain de cause devant le tribunal de Saint-Pétersbourg. Menée hors sa présence ou celle de son avocat, les raids sont qualifiés de “frauduleux” par un juge d’instruction russe, dans une ordonnance qui lui confère même le statut de victime. En mars 2008, tout soupçon de fraude fiscale est même dissipé, le même juge d’instruction arguant de l’absence de charge à son encontre dans son ordonnance de renvoi. Un simple répit durant lequel la finalité de ces raids, et ses instigateurs, sont dévoilés.

Un commentaire sur le blog du président Medvedev

En décembre 2008, un haut personnage l’enjoint fortement à céder certaines de ses sociétés à des “entreprises amies”, à titre presque gracieux. Au millième du prix… Histoire d’éviter de nouvelles opérations policières, ou des violences à l’encontre de sa famille. Un étrange cadeau de Noël de la part d’un homme puissant, Alexandre Saveliev, président de la Banque de Saint-Pétersbourg. Structure privée, la banque est très liée aux hautes instances de la ville. Ses actionnaires majoritaires ne sont autres que le fils de la gouverneur de Saint-Pétersbourg, Valentina Matvienko, un proche du Premier ministre Vladimir Poutine; et Alexander Polukeev, adjoint au représentant du président russe Dimitri Medvedev pour la région.

Devant son refus, les raids reprennent avec le printemps, en mars puis en juin 2009. Nouvelles perquisitions, nouvelles menaces, assorties cette fois-ci d’asphyxie financière. La banque de Saint-Pétersbourg lui coupe les crédits. Via de faux documents, certaines de ses sociétés lui sont tout bonnement retirées, malgré les plaintes qu’il dépose pour escroquerie. Contraint de déposer le bilan de ses sociétés en juin 2009, Vitaly en appelle alors à… Dimitri Medvedev!

Son long commentaire sur le blog du président russe, le 16 juin, a un effet immédiat… le déclenchement de nouvelles procédures à son encontre, cette fois pour blanchiment et escroquerie, sur plainte de la banque de Saint-Pétersbourg.

Empreint de patriotisme économique, le billet dénonce “les détournements sauvages des banques conjointement avec les autorités des affaires intérieures” et pose la question qui chatouille.

Comment les sociétés de taille moyenne, tout en esquivant les attaques des banques (appuyées par la police), peuvent-elles faire aboutir des projets stratégiquement important pour l’État et continuer à croire qu’en Russie existe encore la défense de la propriété privé ?

Un chiffon rouge agité devant le museau des autorités.

” En m’opposant à la banque de Saint-Pétersbourg j’étais seulement un businessman, décrit Vitaly Arkhangelsky. En dénonçant l’instrumentalisation de la justice et un véritable racket d’État, je suis devenu un symbole de la lutte contre la corruption. La pression s’est accrue”. Et son amitié avec le champion d’échec – et néanmoins opposant – Gary Kasparov n’a pas franchement incité les autorités à faire montre de bienveillance…“Il est maintenant une cible politique”, assure Me Forestier, “et le harcèlement continue en France”.

Les nouveaux russes blancs

Sous le coup d’une demande d’extradition émanant de la fédération de Russie pour escroquerie, Vitaly a été incarcéré quelques jours à la prison de Luynes en novembre 2010. Et n’a été libéré qu’après le versement d’une caution de 300.000 euros. Une première victoire. La cour d’appel d’Aix a même débouté les autorités russes de leur requête et ordonné que des investigations soient menées afin de vérifier le bien-fondé des accusations contre Arkhangelsky.

Prochain rendez-vous le 19 mai devant la chambre de l’instruction. En parallèle, les conseils du patron d’OMG ont déposé plainte pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement auprès du tribunal de Nice. Vitaly Arkhangelsky, sur la foi de deux expertises, assure que la banque de Saint-Pétersbourg a falsifié ses signatures pour s’approprier ses sociétés… Le juge Christian Guéry l’auditionnera le 18 mai. Avant une convocation devant la cour nationale du droit d’asile (CNDA), l’instance d’appel pour les demandeurs du statut de réfugié. Le 21 février, l’OFPRA a refusé de lui accorder l’asile politique. Et d’ouvrir ainsi une porte d’entrée aux “dizaines de milliers d’entrepreneurs ainsi harcelés”, assure Arkangelsky.

A en croire le rapport du Conseil de l’Europe du 29 septembre 2009, ils seraient 70.000. Qui, avec leurs familles, représentent quelques 200.000 personnes contraintes à l’émigration. Un siècle après la révolution bolchevique, de nouveaux Russes blancs sillonnent l’Europe.


Photo FlickR CC : série de Matriochka traditionnelles de La grosse mimi ; Matriochka mortuaires de Tangui Bertin.

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http://owni.fr/2011/05/05/russie-oligarques-chatiments-arkhangelsky-poutine-medvedev/feed/ 1
Le Web, acteur et enjeu de la vie politique russe http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/ http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/#comments Wed, 04 May 2011 09:36:46 +0000 Julien Nocetti http://owni.fr/?p=60876 Relativement libre, le traitement du Web en Russie contraste avec le contrôle étroit exercé sur les médias traditionnels, télévision en tête. Le phénomène des blogs est porté par la croissance substantielle du Net en Russie depuis une décennie. Le potentiel politique de la blogosphère est régulièrement mis en avant par les affaires de corruption révélées par des blogueurs-militants, comme celui impliquant le groupe pétrolier Transneft, dénoncé par Alexeï Navalny [EN] à l’automne 2010, ou la polémique née de la construction d’une autoroute traversant la forêt de Khimki [EN], au nord de Moscou.

La blogosphère, caisse de résonance du ressentiment populaire

La mobilisation pour la sauvegarde de cette zone protégée s’est structurée en grande partie sur la blogosphère. Dans les situations extrêmes, les blogueurs sont les premiers à répandre la nouvelle et à agréger l’information. Le rôle des blogs et des micro-blogs, comme Twitter, a ainsi été crucial dans la couverture médiatique des attentats du métro de Moscou en mars 2010 ou des incendies dévastateurs de l’été 2010. L’action d’opposition concerne désormais moins les figures ou partis politiques que les actions de terrain. Le Web sert souvent de dernier recours dans des situations désespérées, comme en témoigne la mode des « policiers YouTube » [EN] ou les manifestations d’automobilistes dans l’Extrême-Orient. Les sceptiques estiment que les blogs sont utilisés par l’Etat comme un moyen de canaliser les opinions critiques tout en conservant intact un système politique semi-autoritaire.

Dimitry Medvedev - World Economic Forum Annual Meeting 2011

Cette utilisation politique du Web – néanmoins balbutiante – a attiré l’attention du Kremlin. Le numérique crée en effet un défi de gouvernance et de légitimité politique que le président Medvedev, plaçant les nouvelles technologies en tête des priorités de son mandat et lui-même technophile convaincu, a su anticiper. Cette démarche se traduit par une implication de plus en plus visible des gouvernants (ministres, parlementaires, gouverneurs des régions) sur les principales plateformes de blogs et les réseaux sociaux comme Vkontakte (équivalent russe de Facebook) ou Twitter. A l’origine de ce « dédoublement virtuel » : l’inquiétude du Kremlin dans la perte de confiance des citoyens dans les médias officiels, tandis que le Web est un moyen de promouvoir la modernisation du système politique. Avec plus ou moins de succès [PDF] jusqu’à présent.

Frontières numériques = frontières physiques ?

Multipliant les projets dans la sphère numérique, l’État russe est un « acteur proactif » du Web, qui tente de modeler l’espace d’information national et de diffuser des messages politiques qui lui sont favorables. L’objectif est de parvenir à une « russité » du Net russophone, c’est-à-dire de calquer les frontières numériques sur les frontières physiques. Dans cet objectif, les autorités superposent une série d’initiatives incitant les internautes à rester dans le cadre du cyberespace national. Tant le projet de créer un moteur de recherche d’État [RU] que l’adoption de l’open source par les différents organes du pouvoir ou le lancement d’un nom de domaine en cyrillique relèvent de cette logique.

En plus de « souverainiser » le Net russe, le Kremlin cherche à établir un contrôle à la fois plus ferme et sophistiqué sur le Web. Le pouvoir a su créer un corpus juridique favorable au contrôle des flux informationnels et cultiver une communauté dynamique de « gourous de l’Internet ». Ceux-ci, par le biais de startups, favorisent la diffusion de messages pro-Kremlin dans les forums et blogs. En outre, l’État concentre les actifs des firmes russes du Net entre les mains d’entrepreneurs proches du Kremlin. On estime ainsi que près de 70 % des pages vues sur le Net russe appartiennent aux sites web du groupe Mail.ru (ex Digital Sky Technologies), qui rassemble le portail Mail.ru, les réseaux sociaux Vkontakte et Odnoklassniki, et participe au capital de Facebook et de startups prometteuses comme Groupon, Zynga ou Spotify.

La route vers les élections sera numérique

Le discours des dirigeants russes sur le numérique reste toutefois empreint d’une certaine schizophrénie. D’un côté, l’administration présidentielle, autour de Dmitri Medvedev, focalise ses initiatives sur le potentiel modernisateur et innovant des nouvelles technologies du Net. D’un autre côté, les siloviki – l’entourage de Vladimir Poutine – redoutent un « scénario à l’arabe » : en Tunisie et en Egypte, les outils du Web 2.0 ont joué un rôle indéniable dans l’organisation des manifestations et la diffusion des événements en cours. Pour ce clan politique, l’Occident – avec Google, Facebook, Twitter et YouTube en « bras armés » – aurait trouvé là un nouveau moyen de faire avancer ses intérêts après les révolutions de couleur dans l’espace post-soviétique. Les récentes déclarations d’Igor Setchine (vice-premier ministre) et d’un haut responsable du FSB, assimilant ces outils à une « menace pour la sécurité de la Russie », valident cette nervosité au sommet.

Quant aux internautes, les récentes cyber-attaques sur la plateforme de blogs LiveJournal [RU], très populaire, ravivent leurs craintes. Assimilées à un « galop d’essai » du pouvoir avant les échéances électorales par certains blogueurs russes, ces attaques traduisent le potentiel de nuisance des autorités sur le Net. A l’approche des campagnes électorales, le rôle des médias et réseaux sociaux sera donc à surveiller de près.


Illustrations Flickr CC France Diplomatie et World Economic Forum

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Les Etats-Unis, nouvel exportateur de gaz, bouleversent l’échiquier mondial de l’énergie http://owni.fr/2010/12/07/les-etats-unis-nouvel-exportateur-de-gaz-bouleversent-lechiquier-russe-de-lenergie-monde-energie/ http://owni.fr/2010/12/07/les-etats-unis-nouvel-exportateur-de-gaz-bouleversent-lechiquier-russe-de-lenergie-monde-energie/#comments Tue, 07 Dec 2010 18:48:59 +0000 Sylvain Lapoix, Ophelia Noor et Pierre Ropert http://owni.fr/?p=38515 Dans le ventre du lourd tanker Maersk Meridian, les barils de gaz naturel liquéfié (GNL) portent une étiquette peu banale : made in USA ! Ce 19 novembre le port d’hydrocarbure tout neuf de l’île de Grain, construit à l’Est de Londres sur les fonds de GDF, BP ou encore E.ON, reçoit le premier chargement de gaz naturel américain depuis des dizaines d’années.

Marcher sur les pipelines de Gazprom

Grâce aux gaz de schiste extraits de couches de roches profondes, les Etats-Unis ont reconquis leur indépendance énergétique et exportent désormais leur production : cette nouvelle ressource représente 15% de leur production total de gaz. En produisant 620 milliards de mètres cubes en 2009, le pays a même dépassé le leader mondial : la Russie.

En prenant pied en Europe, les producteurs américains marchent littéralement sur les pipelines de Gazprom, ici comme en son royaume de gaz, au côté du Qatar, de l’Iran et de l’Arabie Saoudite. Mais la reconquête a avant tout été technique : présents dans quasi tous les pays du monde, les gaz de schiste ne peuvent être aujourd’hui extraits que grâce à une seule technologie, d’origine américaine, la fracturation hydraulique.

La propriété industrielle de ces techniques est détenue par des sociétés spécialisées dans l’exploitation pétrolière comme Halliburton, Schlumberger, etc. Partout où du gaz de schiste est exploité, leurs ingénieurs sont envoyés, explique-t-on chez un des géants américains du gaz non conventionnel, Devon. Nous avons une décennie d’expérience, nos premiers puits ont été forés en 2002. Désormais, les grandes sociétés pétrolières étrangères se tournent vers des sociétés comme Chesapeake, en espérant un transfert de compétence par des partenariats.

Au delà de la seule situation des Etats-Unis, la libération de ces réserves entraîne des conséquences inattendues sur les marchés : en plein hiver, le gaz reste en 2010 sous les prix du pétrole, stabilisé par la nouvelle manne des schistes. Une aventure dans laquelle les Européens se lancent à peine.

Mais là encore, le primat technologique américain force les locaux au partage : dans le Sud de la France ouvert depuis peu à la prospection, Total pourrait remplacer son partenaire Devon (ayant préféré se recentrer sur l’Amérique du Nord) par Chesapeake, et GDF s’est mis sous l’aile du Texan Schuepbach, qui prospecte à travers le monde ces nouveaux gisements avec l’aide de la puissante multinationale Dale. Des concessions qui servent autant des ambitions économiques que politiques :

Un des enjeux du marché européen est de limiter sa dépendance vis à vis de la Russie, de l’Algérie ou encore du Moyen-Orient, explique Guy Maisonnier, de l’Institut Français du Pétrole. La notion clef est le renforcement de l’indépendance énergétique. Pour l’instant, nous en sommes à un stade préliminaire. La suite des opérations va dépendre du taux de récupération et des coûts de forage déterminés par les contraintes techniques.

Le géant russe du gaz obligé de pactiser avec Shell

Dans le reste de l’Europe, l’exploration se généralise : Allemagne, Royaume-Uni, Italie du Nord, Espagne, pays scandinaves… Quelques permis autorisant pour l’instant la prospection seulement, en attendant l’évaluation du potentiel des gisements découverts. Des ambitions communes ayant même donné naissance à un programme de recherche intitulé GASH. Avec une nette avance, la Pologne a signé 70 permis et réalisé la première fracturation hydraulique d’un puits de gaz de schiste en Europe… grâce à Halliburton. Une impatience qui s’explique par le fort potentiel gazier du sous sol polonais qui pourrait placer cet état juste derrière la Norvège et la Russie au rang des fournisseurs de l’Union européenne. Un coup économique mais aussi diplomatique puisqu’il l’affranchirait des désideratas du géant Gazprom, qui, profitant de l’hiver, fait la loi en Europe de l’Est en imposant ses tarifs.

Autant de raisons d’irriter Moscou : visant l’élargissement à l’Est de son emprise sur le marché du gaz, ses investissements dans le gazoduc ESPO et l’usine de gaz naturel liquéfié de Sakhaline pourraient être vains si la Chine, l’Australie et les autres pays de l’arc Pacifique venaient à développer leur propre industrie gazière. Poussé dans ses derniers retranchements, le tsar des hydrocarbures a ainsi envisagé d’investir lui-même dans les compagnies gazières américaines avant de signer un accord de coopération avec Shell pour compenser la chute de demande de gaz en Europe, d’où certains barils sont revenus pleins depuis le développement des gaz de schiste d’Amérique du Nord.

Mais la révolution ne s’arrêtera pas aux portes de l’Europe : “pour l’instant, le gaz n’a pas encore connu de véritable flambée et les gaz de schiste restent, à 6$ le gjoule, trop couteux à extraire par rapport au prix du marché, détaille Normand Mousseau, titulaire de la chaire de recherche du Canada en physique numérique de matériaux complexes et auteur du livre “La révolution des gaz de schiste”. Mais, plus le prix montera, plus les gisements lourds, comme les sables bitumineux, deviendront rentables : à 7$, le gaz liquéfié venu du Qatar pour rentrer en compétition avc le gaz russe et le gaz américain.” De quoi préparer d’autres révolutions explosives.

Photo FlickR CC Jeremy Brooks ; Paul Johnston ; Travis S.

Retrouvez tous nos articles sur les gaz de schiste sur OWNI.fr et OWNIpolitics.com ainsi que nos brèves sur le sujet en suivant OWNIlive.com.

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http://owni.fr/2010/12/07/les-etats-unis-nouvel-exportateur-de-gaz-bouleversent-lechiquier-russe-de-lenergie-monde-energie/feed/ 8
Pétrole et gaz : l’empire russe des hydrocarbures à la conquête de la Chine http://owni.fr/2010/11/17/petrole-et-gaz-lempire-russe-des-hydrocarbures-a-la-conquete-de-la-chine/ http://owni.fr/2010/11/17/petrole-et-gaz-lempire-russe-des-hydrocarbures-a-la-conquete-de-la-chine/#comments Wed, 17 Nov 2010 14:38:30 +0000 Philippe Condé (Nouvelle Europe) http://owni.fr/?p=37186 Billet publié à l’origine sur Nouvelle Europe sous le titre L’énergie russe à la conquête de l’Est.

Depuis le début du XXIe siècle, la Russie, actuellement premier producteur de pétrole mondial (10,16 millions de barils par jour) et deuxième exportateur (derrière l’Arabie Saoudite), tente de diversifier ses exportations énergétiques, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Union européenne, en ouvrant une route asiatique vers les marchés chinois, coréen et japonais.

En février 2009, les entreprises publiques Rosneft et Transneft ont obtenu un crédit de 25 milliards de dollars, financé par Pékin, en échange d’un contrat de livraison pétrolière sur 25 ans – 15 millions de tonnes annuellement entre 2011 et 2030 – à la Chine. Durant ce même mois de février, la Russie lançait le projet « Sakhaline-2 » en installant sa première usine de gaz naturel liquéfié (LNG) à Sakhaline (Mer d’Okhotsk, Extrême-orient russe). Ces projets font partie de l’effort russe pour conquérir les marchés asiatiques à forte croissance. Moscou prévoit d’augmenter sa part dans la région, de 4% actuellement à 20-30% à l’horizon 2030. La Chine devrait constituer le principal marché pour le pétrole russe dans le futur grâce à la mise en exploitation des gisements en Sibérie orientale.

Siège de Gazprom à Moscou

Le 29 août 2010, le Premier ministre Vladimir Poutine a ouvert la section russe de l’oléoduc Chine-Russie dans la région du fleuve Amour (geste assez symbolique, car les îles du fleuve Amour avaient été l’objet de tensions frontalières sino-soviétiques en 1969) en Extrême-Orient, tandis que la section chinoise partant de Daqing dans le nord de la province de Heilongjiang devrait être terminée d’ici à la fin 2010. Si ce délai est respecté, le pétrole pourrait commencer à couler vers la Chine à partir de janvier 2011.

Un projet vital pour Moscou

Le Premier ministre russe a souligné l’importance vitale de ce projet pour Moscou, qui devrait aider son pays à diversifier géographiquement ses exportations. En effet, jusqu’à ce jour, la Russie exporte 75% de son pétrole et 80% de son gaz à destination de l’Union européenne.

Une fois opérationnel, ce nouvel oléoduc pourra transporter jusqu’à 30 millions de tonnes de pétrole vers la Chine et la région Asie-Pacifique. Toutefois, selon Transneft (société publique russe qui gère le réseau d’oléoducs du pays), la Russie ne peut répondre pour le moment à une telle demande, car les gisements de Sibérie orientale n’entreront que progressivement en activité. Il y a effectivement un important problème d’investissement dans l’industrie énergétique russe.

Le tube russo-chinois est complètement intégré à l’oléoduc Sibérie orientale-Asie Pacifique (ESPO), qui a été lancé en décembre 2009, et qui s’étend de Taïchet dans la région sibérienne d’Irkoutsk jusqu’à la baie de Kozmino située sur le Territoire de la Province maritime (océan Pacifique). Lorsqu’il sera totalement achevé en 2014, l’ESPO pourra transporter 80 millions de tonnes de pétrole vers les marchés d’Asie-Pacifique par an.

De plus, si à partir de 2015, comme convenu lors de la visite du Président russe Dmitri Medvedev à Pékin, fin septembre 2010, la Russie est capable d’entrer sur le marché chinois du gaz, elle pourra relâcher la contrainte européenne et accroître sa marge de manœuvre vis-à-vis de ces deux grands marchés. En effet, l’accord signé entre le géant russe Gazprom et son homologue chinois CNPC prévoit la fourniture de 30 milliards de mètres cubes de gaz par an pendant 30 ans à la Chine.

Derrick en Sibérie orientale.

Le cauchemar de Bruxelles

À partir de cette date, les fortes positions acquises en Europe et en Asie permettront à Moscou de fixer les volumes et les prix en fonction de sa volonté politique, sur les deux continents.

De ce fait, la diversification des livraisons russes risque de se transformer en un véritable cauchemar pour Bruxelles aussitôt que le Kremlin pourra jouer l’Europe contre l’Asie. Cette situation deviendra d’autant plus critique que Moscou continuera de contrôler les flux gaziers en Asie centrale et en Azerbaïdjan. Par conséquent, l’Union européenne se trouvera fort démunie face à la puissance énergétique russe puisque Bruxelles n’a toujours pas réussi à adopter une politique énergétique commune.

Carte réalisée par Marion Boucharlat

À l’Est, la qualité de brut ESPO pourrait remplacer, à moyen terme, la qualité Dubaï comme la nouvelle référence pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique. Pour le moment, le pétrole ESPO est vendu avec une décote comprise entre 0,3 et 1,6 dollars le baril par rapport à son concurrent établi du Moyen-Orient.

Un futur empire énergétique

Cependant, l’ESPO possède au moins deux avantages. Sa qualité est meilleure et surtout ses délais de livraison sont beaucoup plus faibles : deux semaines contre deux à trois mois pour le pétrole en provenance des pays du Golfe persique, à cause de l‘éloignement géographique plus important.

Ainsi, la Russie possède tous les atouts pour devenir un important fournisseur d’énergie dans la région la plus dynamique du monde qu’est l’Asie-Pacifique, grâce à son réseau de pipelines ou à sa flotte de cargos LNG en cours de constitution.

Finalement, à la manière d’une araignée, la Russie tisse patiemment sa toile qui couvre déjà le continent eurasiatique. Et dans les cinq prochaines années, lorsque les livraisons en gaz naturel liquéfié commenceront à se développer vers l’Amérique du Nord, elle couvrira les trois grands marchés mondiaux. Cette stratégie de diversification transformera la Russie en une véritable superpuissance énergétique globale, ce qui accroîtera de manière significative son influence politique en Chine et au-delà sur la scène internationale.

Toutefois, cette stratégie ne réussira que si les investissements et les technologies nécessaires sont mis en place. Pour Moscou, le défi à relever est donc à la hauteur des espoirs de puissance.

Photo FlickR CC Pierre-Julien Grizel ; Albert Alien ; Smocked ice.

Pour visualiser la carte réalisée par Marion Boucharlat en grand format, cliquez ici.


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Petites histoires russes d’activisme en ligne qui font une grande différence http://owni.fr/2010/11/08/petites-histoires-russes-dactivisme-en-ligne-qui-font-une-grande-difference/ http://owni.fr/2010/11/08/petites-histoires-russes-dactivisme-en-ligne-qui-font-une-grande-difference/#comments Mon, 08 Nov 2010 14:07:29 +0000 Alexey Sidorenko (trad. Fabienne Der Hagopian) http://owni.fr/?p=34797 [liens en russe sauf mention contraire] Tandis que de l’autre côté de l’Atlantique les analystes d’Internet sont occupés à débattre [en anglais] si les nouvelles technologies influencent ou non le changement social et politique, les blogueurs russes apportent leur humble contribution à un débat dont ils ignorent probablement l’existence. Leurs victoires sont de petites victoires et elles ne sont pas nombreuses ; leur impact peut facilement être attribué aux marges d’erreur des statistiques –  mais elles n’en sont pas moins là.

Les succès de la blogosphère russe de ces derniers mois ont une chose en commun : ils se sont appuyés sur les média en ligne et ont provoqué des décisions de l’exécutif qui aident les gens à défendre leurs droits.

Éliminer l’obscénité et réparer les injustices

En mai 2010, Difgat Khantimerov, 44 ans, à la tête du district de Yermekeïevo en Bachkirie [en français], se faisait piéger sur une vidéo alors qu’il ordonnait à des écoliers d’une équipe de volley d’embrasser ses pieds pendant qu’ils faisaient des pompes. Cette approche si créative de l’éducation physique a attiré l’attention des blogueurs et en quelques mois la vidéo publiée sur YouTube par ermekeevo2010 a atteint près de 300.000 vues.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il a fallu trois mois et demi pour que cette vidéo soit remarquée par les média traditionnels. Une des raisons de ce délai est que Khantimerov, outré par la diffusion incontrôlable de la vidéo, avait ordonné aux FAI locaux d’annuler tout projet de développement du haut débit dans le district de Yermekeevo.

Une autre raison est qu’aucun des enfants humiliés ne voulait attirer l’attention sur l’incident. Mais Khantimerov  a finalement dû faire face à ses responsabilités. Dès que les média traditionnels (tels que enta.ru et rg.ru) ont pris le relais des blogueurs, le président de Bachkirie a ordonné la révocation du fonctionnaire. Khantimerov a plus tard présenté ses excuses aux enfants.

Lilia Gumerova, la défenseure des enfants du Bachkortostan et la femme qui a rendu cette histoire publique, n’aurait pas atteint une fraction de ces résultats sans un téléphone portable, YouTube et la réaction des utilisateurs.

Enquêtes collaboratives

L’histoire d’Anna Buzilo (de Vladivostok) montre comment les enquêtes collaboratives peuvent être plus efficaces que celles de la police. La jeune femme de 25 ans disparaissait le 14 juin 2010. Trois jours plus tard, Kripton, utilisateur du forum de Vladivostok drom.ru, lançait un thème, demandant de l’aide aux internautes. Le 18 juin, le blogueur LeRoN posait une question triviale :

Au fait, est-ce qu’elle se disputait avec son petit ami ?

Ce n’est qu’en septembre, quand le meurtrier d’Anna a été identifié, que LeRoN a réalisé à quel point il était près de la vérité quand il avait posé sa question.

Au total, plus de 500 utilisateurs de drom.ru se sont joints aux recherches des amis et de la famille d’Anna pour la retrouver ou identifier son meurtrier ou son ravisseur. Le blogueur Bedaan a mis en place une collecte pour payer l’essence des enquêteurs volontaires. D’autres blogueurs ont distribué des tracts avec le signalement de la jeune femme. D’autres encore ont emmené les chiens policiers dans des endroits éloignés de la ville ou se sont servis de leurs relations pour obtenir le journal d’appel de son portable de la compagnie de téléphone.

Trois mois après la disparition d’Anna, Pavel, son petit ami, admettait l’avoir enlevée et demandé 130.000 dollars de rançon. Il était immédiatement arrêté. Selon un entretien avec l’un des participants aux recherches, c’était aussi la version des utilisateurs du forum. Un peu plus tard, Pavel confessait l’avoir tuée et révélait l’emplacement du corps.

Sans les forums comme drom.ru,  le cas d’Anna n’aurait pas fait l’objet d’une enquête si approfondie.

Une autre histoire a pour cadre la région de Ekaterinbourg où trois véhicules terrorisaient les conducteurs locaux sans être inquiétés par la police. Lors de l’un des incidents, les conducteurs des “trois voitures noires immatriculées à Tioumen” [une région voisine] ont vandalisé une voiture au hasard. L’utilisateur de LiveJournal [en français] pilgrim-67 s’est penché sur l’affaire. Il s’est servi des observations et des photos des forums locaux pour déchiffrer les plaques d’immatriculation des voitures, en a identifié les propriétaires et leurs comptes sur Odnoklassniki.ru, un réseau social russe. Il a donc réussi à complètement identifier les coupables et a même découvert que ces bandits de la route qui opéraient en toute impunité étaient liés à des membres du parti “Russie Unie” de la région de Tioumen.

Suite à l’enquête de pilgrim-67, la police a ouvert sa propre enquête criminelle et arrêté l’un des suspects. Là aussi les média sociaux ont rempli les deux fonctions de mener l’enquête et de mettre la pression sur les fonctionnaires.

Exposer la corruption

Global Voices a déjà couvert le rôle des communautés de LiveJournal comme outil de transparence. Mais l’impact de blogueurs individuels comme Alexeï Navalny et Ivan Begtine, est devenu encore plus important ces dernières semaines : ils ont fait échouer le vol d’1,8 million de dollars.

Le 15 octobre 2010, Evgueni Lerner (evgeniy1001 sur LJ) publiait un billet intitulé “55 millions de roubles en 16 jours ? – un réseau social du ministère de la Santé” dans lequel il dévoilait un étrange d’appel d’offres du ministère qui prévoyait de dépenser 1.8 million de dollars en deux semaines. Il était évident pour tout professionnel des services informatiques (SI) que le projet décrit était impossible à réaliser dans le délai prévu.

Alexeï Navalny et Ivan Begtin ont alors lancé avec d’autres blogueurs une campagne sur les blogs pour attirer l’attention sur les termes suspects de l’appel d’offre. Cette campagne a provoqué la démission du fonctionnaire responsable ainsi que l’annulation du projet.

L’affaire a inspiré à Navalny l’idée de proposer aux experts de services informatiques de tout le pays d’évaluer tous les futurs projets de l’administration dans ce domaine pour vérifier qu’ils n’avaient rien de suspect. Après cet appel, deux autres appels d’offres ont été aussitôt annulés. Navalny a admis que malheureusement il ne pensait plus qu’il y ait aucun appel d’offre en matière d’informatique qui ne soit pas suspect.

Toutes ces affaires prouvent une chose : les nouveaux média font une différence dans des domaines où rien n’aurait pu être fait auparavant.

Billet initialement publié sur Global Voices, illustration CC FlickR macloo

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http://owni.fr/2010/11/08/petites-histoires-russes-dactivisme-en-ligne-qui-font-une-grande-difference/feed/ 1
Justice pour le web russe http://owni.fr/2010/10/14/justice-pour-le-web-russe/ http://owni.fr/2010/10/14/justice-pour-le-web-russe/#comments Thu, 14 Oct 2010 13:26:33 +0000 Elena Osipova (Trad. Suzanne Lehn) http://owni.fr/?p=31588 Ce billet a été originellement publié sur Global Voices, écrit par Yelena Osipova et traduit par Suzanne Lehn.

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La semaine dernière, la télévision russe pour l’étranger – Russia Today TV (RT) – a diffusé un reportage sur les blogueurs russes et la manière dont ils dévoilent, héroïques, le crime et la corruption dans le système. Extraits de l’article correspondant publié en ligne (en anglais, comme tous les liens):

Ordinateurs de bureau et portables, téléphones et organiseurs…. Internet devient vite beaucoup plus facile d’accès en Russie, et pas seulement pour les loisirs. Pour beaucoup, il s’est transformé en tribune, où leur voix non seulement se fera entendre, mais est assurée de retentir à travers le pays en quelques heures.

Il y a des exemples éloquents de la manière dont les internautes peuvent contribuer à la solution de problèmes complexes. Dans un cas, la vidéo d’un individu publiée en ligne a conduit à son renvoi. Cet homme, à la tête de l’administration locale, malmenait les enfants à l’école mais était resté impuni jusqu’à ce que la vidéo devienne virale.

Et voici l’analyse:

“Ceci ne veut pas dire que les journalistes sont mauvais, et les blogueurs meilleurs,” a souligné Sergueï Dorenko, rédacteur en chef du Service d’Information Russe. “Ni que l’unique notion de libre parole existe en ligne. C’est simplement une question de choix. Nous ne voulons plus regarder le compte-rendu de quelqu’un d’autre, nous voulons – et pouvons – faire le nôtre. Internet nous permet de choisir ce dont nous voulons être informés, à une vitesse que ne peuvent concurrencer ni la presse imprimée ni la télévision.

Mais il y a autre chose:

Dans un autre cas, un blogueur a réussi à atteindre le président russe Dmitri Medvedev pour aider un orphelin, Pacha Berezine. Maître aux échecs, génie des mathématiques et bénéficiant d’une allocation publique, Pacha manque la rentrée scolaire à cause des exigences d’une entreprise de construction qui participe au financement de l’école. “Je veux être informaticien,” a dit le garçon à RT. “Mais l’école a dit que si je veux étudier ici et habiter l’internat, je dois apprendre un métier du bâtiment.” Le cas de Pacha a été pris en main par un organisme caritatif, Murzik.

Son fondateur, German Pyatov, a indiqué que ce qui a fait la différence dans cette affaire, c’était un message qu’il a mis en ligne à l’attention du président. “Après avoir envoyé ma lettre, quelqu’un du bureau du président a appelé et demandé des détails sur le cas,” raconte Pyatov. “Je sais qu’ils ont contacté le collège de Pacha, parce que presque aussitôt, le collège a téléphoné et dit à Pacha de retirer sa candidature et de fiche le camp. Ils étaient épouvantés que les autorités soient intervenues. Puis les média se sont emparés de l’affaire, et le collège a été forcé de mettre fin à ses agissements illégaux. Ils autorisent maintenant Pacha à assister aux cours, mais refusent toujours de lui donner une chambre.”

L’histoire a été diffusée le 20 septembre. Le lendemain, un autre article sur le beau potentiel de la blogosphère russe paraissait sur Russia Beyond the Headlines (‘La Russie derrière les grands titres’, versions en ligne et papier, en coopération avec plusieurs journaux étrangers de premier plan):

L’action d’opposition en Russie concerne désormais moins les figures ou partis politiques que les questions de terrain : voyez les manifestations d’automobilistes ou la campagne de terrain contre la corruption de la police. L’effet de goutte-à-goutte (de la blogosphère aux médias généraux) est particulièrement significatif, car il montre comment les blogueurs ne sont plus seulement une réserve d’une élite urbaine et bien connectée.

A lire de tels articles, on ne peut s’empêcher d’en considérer la source : ces revues sont toutes deux d’Etat et produites, d’abord, en anglais, avec l’objectif d’”aider les étrangers à mieux comprendre la Russie.” Ceci à l’esprit, ce genre d’articles rendraient service à la diplomatie publique de la Russie, surtout au vu des efforts du Président Medvedev pour démontrer au monde que la Russie peut être à égalité avec l’Ouest en termes de progrès technologique, autant que des transformations sociales et économiques qui l’accompagnent.

Vision stratégique

Pourtant, la liberté d’Internet à la Russe semble être un paradoxe qui a récemment attiré largement l’attention. Au début du mois, Tangled Web a essayé d’étudier la “démocratie virtuelle” de la Russie, en référence à un récent rapport de l’U.S. Institute of Peace – Blogs and Bullets – sur le pouvoir des nouveaux médias:

D’entrée de jeu, le rapport fait remarquer que les effets des nouveaux médias sur la démocratie restent mal connus, car la plupart des indices restent fragmentaires et anecdotiques. Mais une phrase, dans la section sur la façon dont les nouveaux médias peuvent agir sur les individus, m’est restée : “les nouveaux médias pourraient rendre les citoyens plus passifs, en les amenant à confondre rhétorique en ligne et action politique substantielle, distrayant leur attention des activités productives.”

Le cyberespace est remarquablement libre en Russie, surtout comparé à la radio-télévision et à la presse écrite, dominées par l’Etat. Et il y a une grande quantité de militantisme de terrain de qualité sur le web en Russie. Mais au lieu qu’Internet soit un facilitateur de la démocratie, il pourrait aussi en être une des plus grandes failles, en rendant possibles un discours et un monde parallèles, vivant et divers, mais au final un faux-semblant.

Et là, il faut citer le rapport 2010 de OpenNet Initiative, dont le profil de pays pour la Russie explique:

L’absence de filtrage manifeste mandaté par les autorités en Russie a conduit certains observateurs à conclure que l’Internet russe représente un espace ouvert et incontesté. En fait, c’est le contraire qui est vrai. Le gouvernement russe est un compétiteur actif du cyberespace russe, qui emploie des stratégies de deuxième et troisième génération comme moyen de modeler l’espace d’information national et mettre en avant les messages et stratégies politiques pro-gouvernement. Cette approche est cohérente avec la vision stratégique qu’a le pouvoir du cyberespace et qui s’articule en stratégies telles la doctrine de la sécurité de l’information.

Pour plus de détails sur ces “approches alternatives” au “management” d’Internet, lire le chapitre du rapport consacré au cyberespace russe. Dans leur essence, elles représentent cependant des mesures discrètes et peut-être mêmes dissimulées, qui ne restreignent pas forcément les libertés plus larges – pour donner une impression générale paisible (ainsi il n’y a pas de “firewalls” ni d’interdiction de certains sites) – tout en prenant la main dans les cas où autoriser trop de liberté est susceptible de répercussions graves.

Plusieurs autres articles “d’actualités” dignes d’intérêt ont traité de la question:

- The Guardian a publié un article optimiste sur “la révolution russe des blogs,” tout en pointant également des exemples d’exploitation possible pour leurs propres intérêts par ceux qui sont aux commandes.

- Le New York Times a présenté une section vidéo spéciale sur le potentiel de l’activisme Internet, et quelques-unes de ses conséquences possibles en Russie.

- La même Russia Today a diffusé un reportage sur la tentative avortée d’un tribunal de Komsomolsk-sur l’Amour, dans l’extrême orient russe, pour bloquer YouTube. Ceci à la suite de la très discutée “nouvelle expérience” du Kremlin : ouvrir le tout récent projet de loi de réforme de la police à l’examen public, en ligne.

Voilà, peut-être, des indices d’un progrès, dont, à l’évidence, on ne peut s’attendre qu’il se réalise du jour au lendemain. Mais ils peuvent tout aussi bien être des exemples de ce que le Tangled Web a caractérisé comme “un courant de pensée ancien en Russie, pour lequel le tsar était fondamentalement honnête, et ce sont les fonctionnaires intermédiaires corrompus qui étaient les fautifs pour tout.”

Il ne faut pas oublier toutefois que la démocratie – réelle ou virtuelle – s’avère, encore et toujours, chose très relative. Lorsque même certaines démocraties occidentales les plus éminentes ont de gros problèmes sur l’accès à Internet et sa surveillance, ne devrait-on pas juger la Russie avec moins de sévérité? Mais pourquoi pas, au fond, si c’est l’objectif qu’elle s’est elle-même fixé?

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Crédits photo: Flickr CC rafaelmarquez, bob_rayner

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http://owni.fr/2010/10/14/justice-pour-le-web-russe/feed/ 1
Russie : la collaboration en ligne comme nouvelle forme de gouvernance ? http://owni.fr/2010/09/12/russie-la-collaboration-en-ligne-comme-nouvelle-forme-de-gouvernance/ http://owni.fr/2010/09/12/russie-la-collaboration-en-ligne-comme-nouvelle-forme-de-gouvernance/#comments Sun, 12 Sep 2010 08:02:06 +0000 Gregory Asmolov (trad. C.Ulrich) http://owni.fr/?p=27817 Ce billet a été originellement publié sur Global Voices, écrit par Gregory Asmolov et traduit par Claire Ulrich.

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Le rôle des médias sociaux en ligne et de la blogosphère est habituellement traité sous l’angle de la transparence et de la responsabilisation des dirigeants. Ceux qui militent pour l’utilisation citoyenne des médias sociaux le font pour dévoiler les échecs d’un gouvernement et le mettre face à ses responsabilités. Durant les gigantesques incendies de cet été en Russie [anglais], le rôle de ces médias a cependant dépassé ce cadre. Les internautes ont non seulement mis à jour les carences des autorités mais ont aussi témoigné d’une grande solidarité et d’une capacité à s’organiser pour lutter contre ce désastre.

Des volontaires près de Roshal (district de Shatursky, region de Moscou) voyant bruler la forêt, nettoyant les débris, éteignant les petits feux

Volontaires près de Roshal (district de Shatursky dans la région de Moscou) regardant la forêt bruler, nettoyant les débris, éteignant les petits feux

La communauté des internautes russes ne s’est pas limitée à aider les victimes des incendies en ligne. Des blogueurs ont créé des brigades de pompiers volontaires, sont allés sur le terrain et ont offert rapidement de l’aide. Au-delà de réponses aux questions telles que “comment devenir pompier”, “comment lutter contre différents types de foyers d’incendie”, “quel équipement devrait avoir un volontaire”, Internet a donné une plateforme pour coordonner et échanger des informations 24 h sur 24 sur une situation en évolution rapide.

Que les internautes aient pris l’urgence dans leurs propres mains a permis de faire passer un message bien plus percutant que des critiques envers le gouvernement. Jusqu’à un certain point, les internautes russes ont comblé les lacunes des autorités. C’est une situation qui peut surprendre car la capacité de la blogosphère russe a influencé au delà du cyber-espace a souvent été mise en doute.

Alors, qu’est-ce qui a provoqué un résultat aussi extraordinaire ?

Les carences des autorités ont été le déclic de la collaboration en ligne

Il existe plusieurs explications. L’approche sceptique affirme que la raison principale du réveil des internautes russes a été le niveau  élevé du danger pour eux mêmes. Contrairement à d’autres urgences, les incendies affectaient la population entière de Moscou. Un internaute anonyme a ainsi expliqué [en russe] son parcours au site Lenta.ru :

Когда горела Сибирь, нам было, честно говоря, пофигу. Когда пожар был в соседнем лесу, мы ковыряли в носу на даче и загорали под солнышком. Когда сгорела Выкса, мы проснулись и вскрикнули: “Власти бездействуют!” Через полчаса мы припомнили какую-то там бучу с Лесным кодексом и кинулись к компьютеру. Через час блогосфера бурлила. А на следующий день, когда Москву заволокло дымом, нам стало страшно, и мы бросились работать на благо страны.

Quand la Sibérie brulait, honnêtement, on s’en fichait complètement. Quand les incendies étaient dans les forêts proches, [on n'a rien fait], on prenait le soleil à la campagne. Quand Vyksa a été détruite par le feu, on s’est réveillés et on a crié : “Le gouvernement ne fait rien !” Une demi-heure plus tard, on s’est rappelé de quelque chose à propos d’un codex de la forêt et on s’est précipité sur nos ordinateurs. Une heure plus tard, la blogosphère était en ébullition. Le jour suivant, quand la fumée a envahi Moscou, on a pris peur et on s’est mis à bosser pour le bien de notre pays.

Au-delà de ce point de vue cynique, l’énorme mobilisation  peut être expliquée par deux facteurs. La collaboration a été provoquée par la réalisation que les autorités ne contrôlaient plus la situation et, de plus, refusaient d’en endosser la responsabilité. Et la présence de technologies de l’information a permis l’échange d’informations et les outils pour la coordination d’une collaboration efficace.

Ce sentiment de profonde méfiance envers le gouvernement a été l’un des leitmotivs de la conversation en ligne sur les incendies. Anna Baskakova, une experte en art qui a participé activement à la lutte contre les incendies, a publié un appel à Sergey Shoigu, le ministre russe des situations d’urgence. Cet appel a généré plus de 2 400 commentaires et est devenu l’un des billets les plus lus de la semaine. Anna Baskakova a écrit [en russe]:

… у меня исчезли последние детские иллюзии, связанные с тем, что кто-то там, наверху, о нас заботится и нас защищает (нет, я не о Боге, я говорю о руководстве страны и о Вас в том числе). Теперь я стала взрослым человеком и рассчитываю только на себя.

… J’ai perdu cette illusion puérile que quelqu’un, là haut, prend soin de nous et nous protège (non, je ne parle pas de Dieu, je parle du gouvernement de ce pays, vous compris). Maintenant, je suis devenu adulte et je ne compte plus que sur moi-même.

L’un des moments où l’exaspération des internautes envers le gouvernement a atteint son comble a été le moment où le Premier ministre Vladimir Poutine a co-piloté un avion des pompiers [en anglais], une initiative qui a été unanimement vue comme un coup médiatique. Certains se sont demandés si Poutine avait vraiment le droit légalement de co-piloter un avion. Un blogueur a demandé [en russe]:

Премьер-министр тушит пожары; Премьер-министр реанимирует 80-летних бабушек; Премьер-министр сеет пшеницу. А кто управляет страной?

Le Premier ministre lutte contre les incendies : le Premier ministre ressuscite les grands mères de 80 ans ; le Premier ministre sème du blé. Et qui dirige le pays ?

Dans un billet sarcastique, intitulé “L’innovation dans la lutte contre les incendies,” Leonwolf dresse une liste [en russe] des mesures que peuvent prendre les autorités pour éteindre les incendies. La liste comprend :

L’une des plus virulentes critiques contre la gestion de cette crise est venue de Yulia Latynina, journaliste à Echo Moskvy. Elle affirme [en russe] que l’état russe a atteint un nouveau stade de déliquescence puisque même la présence de Poutine n’a plus pu provoquer un mieux :

Мы видим, что система по-прежнему не функционирует. Над Москвой стоит смог, московские морги переполнены. Лужков даже не вернулся из отпуска. Система продолжает выделять 9 млрд. рублей на чистую воду, переименовывать милицию в полицию. Здорово, ребята, давайте лучше не милицию в полицию переименуем, а сразу, как кто-то пошутил в блогах, ВАЗ переименуем в БМВ, те же самые три буквы. И тремя буквами всё это накроется.

Nous pouvons voir que l’appareil ne fonctionne toujours pas. Moscou est maintenant recouvert par la fumée. Les morgues de Moscou débordent. Luzhkov [le maire de Moscou] n’est pas rentré de vacances. L’appareil continue à allouer 9 millions de roubles pour de l’eau potable, rebaptise militia en  police. C’est super les mecs, ne rebaptisons pas militia en police, mais, comme l’a proposé un blogueur en plaisantant, VAZ [une usine russe de voitures] en BMW – trois lettres identiques (en russe). Et avec trois lettres, tout sera recouvert  [allusion a une malédiction russe].

"Avez-vous signé pour être volontaire ?". Illustration de ryskan sur Live Journal

La technologie permet aux communautés de se substituer aux autorités

Les incendies en Russie ont démontré qu’avec l’aide de nouvelles technologies, des communautés d’internautes pouvaient suppléer à la fois aux fonctions et aux structures de l’État.

L’un des signes les plus révélateurs de l’échec du gouvernement russe a été que les internautes ont du acheter eux mêmes du matériel – dont des tuyaux d’arrosage – pour les brigades de pompiers professionnels. Igor Cherskiy, l’un des leaders du mouvement des bénévoles sur le Net, par ailleurs écrivain et blogueur, a demandé [en russe] au Ministre Shoigu non pas de l’aide, mais des instructions sur quel type de tuyaux acheter :

Назовите, пожалуйста, адреса, где вы прячете эти сокровища. Мы приедем и даже купим их у вас же, чтоб вам же привезти, чтобы вы потушили пожар. <…> Понимаете? Наши женщины не боятся покупать пожарные рукава для ваших героических войск. Они только боятся “купить ненужное”.

S’il vous plait, donnez-moi les adresses où vous dissimulez ces trésors. On viendra et on vous les achètera et on vous les donnera ensuite, pour que vous puissiez éteindre les incendies…Vous comprenez ? Nos femmes n’ont pas peur d’acheter des tuyaux pour vos troupes héroïques. Elles ont uniquement peur “d’acheter le mauvais modèle”.

Le ministre Shoigu n’a pas répondu à Igor Cherskiy, mais un autre blogueur -  fort_i_ko sur LiveJournal, un ancien pompier  – a expliqué en détails quels types de tuyaux acheter.  Igor Cherskiy conclut [en russe] :

Ура! Теперь любая кухарка сможет управлять МЧС. Ибо очень доходчиво всё изложено.

Hourra ! Maintenant, n’importe quel cuisinier pourra courir au Ministère des urgences. Parce que maintenant, tout a été expliqué très clairement.

La célèbre phrase de Vladimir Lenine – “Chaque cuisinier doit apprendre comment gouverner l’État” ne s’appliquait pas, bien sûr, dans cette situation. C’est la mobilisation des internautes qui a provoqué l’émergence de plusieurs leaders des opérations de secours, et  la répartition des responsabilités entre eux. Sur LiveJournal, _alisa a écrit [en russe] après un de ses déplacements dans une zone dévastée par les incendies :

вчера мы ездили в Кулебаки чтобы отвезти им все это – необходимые пожарным инструменты, продукты, средства защиты были приобретены на деньги блоггеров, организовал наш десант по заброске всего этого в «горячую точку» i_cherski , который как известно на общественных началах замещает временно недееспособное руководство МЧС.

Hier, nous avons été à Kulebaki pour leur apporter tout ce dont ils avaient besoin – du matériel de pompiers, de la nourriture, des  accessoires pour se protéger, achetés avec l’argent réuni par les blogueurs. Notre mission vers ce “point chaud” a été organisée par i_cherski, qui, comme vous le savez, remplace temporairement la direction incompétente du Ministère des situations d’urgence.

Si i_cherski a rempli le rôle du Ministère des situations d’urgence, le rôle du Ministère de la santé et des services sociaux a été rempli par Elizaveta Glinka, dont le pseudonyme est doctor-liza. Son appartement a été transformé en quartier général de coordination pour l’aide et de zone de stockage tout à la fois.

Grâce à l’aide de la communauté pozar_ru sur la plateforme de blogs LiveJournal, Igor Cherskiy et Elizaveta Glinka sont devenus les deux chefs de la collaboration en ligne des bénévoles. Malgré leur succès, des actions collectives de ce type souffrent souvent d’un manque de coordination. L’afflux d’un nombre colossal d’offres d’aide, ajouté à l’excès d’informations, menaçaient l’idée même d’une coordination efficace. De plus, des associations qui prenaient une part active au missions de secours n’avaient aucune présence sur Internet. A titre d’exemple, un rôle important a été joué par une organisation caritative de l’Église orthodoxe russe [en russe].

Une plateforme de management qui a rendu possible les offres d’entraide mutuelle a été la  “Help Map” [en russe] – le premier déploiement en Russie de l’outil de suivi de crise Ushahidi [en anglais] qui a agrégé les informations de toutes les sources et les a organisées en catégories, géolocalisées et horodatées. La composante collaborative de la  “Help Map” a permis d’inclure des personnes qui pouvaient partager des informations en ligne au delà du cercle des blogueurs et des internautes. “Help Map” a créé une base de données utiles et mis sur pied un centre de coordination pour mettre en relation ceux qui avaient besoin d’aide, et ceux qui en offraient, à partir d’informations fournies par une carte interactive. Le blogueur ottenki-serogo, qui a visité le centre de coordination de Ushahidi à Moscou, a décrit ainsi [en russe] le rôle de la “Help Map”:

Карта Помощи – без сомнения проект года. Возможно, его даже наградят, посмертно, когда пожаров в стране, наконец, не станет. Скорее всего это будет какая-нибудь интернет-премия, но никак не признание заслуг государством. Впервые (вы можете вспомнить что-нибудь подобное?) интернет добровольцы не только объединились в желании помочь, но и создали сайт, колл-центр, систему мониторинга и обмена информацией.  […] Они не связаны ни с какими организациями и политическими партиями, они сами по себе, они тихо растворятся среди нас, когда беда отступит, и соберутся снова чтобы помогать, если, не дай бог, случится. Система создана, обкатана и готова к повторению.

“Help Map” est, sans doute permis, le projet de l’année. Peut-être qu’il obtiendra un prix à titre posthume, quand les feux seront, enfin, éteints. Probablement obtiendra-t-il une distinction dans le monde d’Internet, mais certainement pas de la part du gouvernement. Pour la première fois (est-ce que quelqu’un se souvient de quelque chose de ce genre avant ? ) des bénévoles, via Internet, n’ont pas simplement uni leur désir d’aider, mais ont lancé un site, ouvert un centre d’appels, déployé un système de suivi de crise et d’échanges d’informations. […] Ils ne dépendent d’aucune organisation ni d’aucun parti politique, ils sont tout seuls, et ils disparaitront progressivement quand la crise se résorbera, pour se rassembler à nouveau si, à Dieu ne plaise, quelque chose arrivait. Le système a été créé, et il est maintenant prêt à être réactivé.

Le centre de coordination de la "Help Map". Photo de Ottenki-Serogo

“Help Map” n’a pas simplement envoyé un message fort au gouvernement : qu’il n’est pas capable de s’occuper de ses propres citoyens. Il a aussi présenté un mécanisme alternatif pour une nouvelle forme de responsabilité qui émerge parmi les citoyens.  Ushahidi est devenu une institution de la société civile. Il s’agissait des premiers pas d’une nouvelle réalité, au sein de la quelle les citoyens forment des mécanismes et des institutions alternatives pour palier au vide des structures gouvernementales.

L’alliance d’une communauté en ligne concentrée sur une tâche, de plusieurs leaders et d’un centre de coordination, d’un outil comme la carte interactive en ligne Ushahidi crée un nouveau modèle de collaboration en ligne, qui peut offrir une réaction efficace et rapide. Le blogueur grey-wolk résume [en russe] le rôle du modèle qui vient d’émerger :

Люди без указаний, без поощрений и жажды славы просто начали сами исполнять функции государства. […] Выяснилось, что сочетание активных людей, новейших технологий распределенной работы,  отсутствие формальных ограничений и неограниченного источника знаний в виде сетевых ресурсов Интернета приводит к тому, что данный “виртуальный” коллектив весьма небольшой численности может проводить операции, реально влияющие на огромное пространство - несколько областей России.

Sans aucun ordre, sans encouragement, sans recherche de gloire personnelle, les gens ont juste commencé à remplir les fonctions dévolues à l’État. […] Il se trouve que la rencontre entre des personnes actives, les dernières technologies permettant la répartition du travail, le manque de restrictions formelles et les ressources illimitées de connaissances disponibles sur Internet conduisent à une situation où ce groupe relativement restreint est capable de prendre en charge des opérations qui ont un impact réél sur un territoire immense – quelques régions de Russie.

Ce qui est décrit ci-dessus est un exemple du phénomène de  “gouvernance sans gouvernment” (un terme qui a fait son apparition en 1992, avec James Rosenau et  Ernst-Otto Czempiel [en anglais]). La ”Gouvernance sans gouvernement” est devenue  possible et utile grâce aux nouvelles technologies de l’information. Elles ont de plus permis de faire émerger de nouvelles institutions dans le monde réel (par exemple, le centre de coordination créé comme extension physique de la “Help Map“).

Certains blogueurs en Russie voient déjà dans la réaction face aux incendies ce qui peut être le début d’un nouveau modèle politique pour la Russie, où des citoyens armés de technologies pourraient prendre en main la gouvernance. Le blogueur grey-wolk développe ce concept dans un billet intitulé  “Les incendies comme catalyseurs de l’auto-gestion en Russie” [en russe]:

При всех ошибках и несколько хаотической  форме создания “виртуальной организации” можно выделить несколько главных положений:
- в России существуют люди, способные самоорганизовываться и осуществлять существенные макроскопические воздействия
- “виртуальный коллектив” такого уровня может быть создан практически в любое время и способен осуществлять серьезную деятельность через 2 -3 недели после старта проекта.
Таким образом, после июля – августа 2010 года в России наконец то появился зачаток позитивного движения, и не считаться с его наличием формальные власти уже не в состоянии. Данное движение пока затрагивает в основном сферу деятельности МЧС. Что на очереди?

Malgré toutes les erreurs, et la création assez chaotique d’une “organisation virtuelle”, nous pouvons tirer plusieurs conclusions :
- il existe des personnes en Russie capable de s’organiser et d’avoir des macro-impacts significatifs.
- “un groupe de travail virtuel” de ce type peut être créé n’importe quand et peut maintenir une activité conséquente pendant deux à trois semaines après le début du projet.En conséquence, après juillet-août 2010, nous voyons enfin les premiers signes d’un mouvement positif en Russie, et le gouvernement ne peut plus l’ignorer. Jusqu’ici, ce mouvement affecte surtout l’activité du Ministère des situations d’urgence. Mais après ?

“Gouvernance sans gouvernement” : les obstacles

Une coopération menée à bien ne peut pas réussir sans une grande confiance mutuelle entre les personnes. John Clippinger, dans son livre “Une foule d’une seule personne :  le futur de l’identité numérique” [en anglais], avance que l’intensité de la collaboration en ligne dépend de la possibilité d’évaluer la réputation et la crédibilité des autres membres.

La crise des feux de forêts en Russie a montré que les membres de ces communautés virtuelles inspirent plus confiance que le gouvernement. Anna Baskakova écrit [en russe] :

[…] я поверила в человеческую доброту. Потому что мне отовсюду под честное слово шлют вещи, деньги и продукты, чтобы я потратила все это на тушение пожаров. Даже совсем незнакомые люди из-за океана говорят, что мне доверяют, и переводят суммы на мою карточку. Вам не шлют, Сергей Кожугетович? Странно. Отчего они не хотят вам помогать??

[…] J’ai pris confiance dans le genre humain. Parce que ces gens [me font assez confiance ] pour m’envoyer des biens, de l’argent, de la nourriture, pour que je puisse les investir dans la lutte contre les incendies. Même de parfaits étrangers vivant de l’autre côté de l’océan disent qu’ils me font confiance, et virent de l’argent sur ma carte de crédit. Et vous, Sergey Kozhugetovich [Shoigu] ? Est-ce que vous avez reçu quelque chose ? Non ? C’est étrange. Pourquoi ne veulent-ils pas vous aider ?

Cependant, les activités en ligne s’accompagnent aussi de beaucoup de méfiance mutuelle et d’incidents, surtout parce que le web russe est un espace où les blogueurs pro-gouvernement sont très actifs.

On peut penser que dans une situation d’urgence, le niveau de confiance mutuelle augmente beaucoup, et que, par conséquent, la collaboration en ligne devient possible. Cette confiance cependant est très fragile. Quand la crise se résorbe, le niveau de méfiance et les tensions augmentent.

Prolonger et amplifier la confiance nécessite plus d’options, comme celles de pouvoir évaluer qui sont vos partenaires et quelle est leur réputation. Il n’est pas surprenant que les leaders du mouvement en ligne aient été des personnalités déjà connues.  Clippinger argumente que le renforcement de la confiance en ligne à travers le développement d’une identité en ligne peut créer une nouvelle réalité sociale, avec des niveaux plus élevés de coopération et d’auto-gestion. Les incendies en Russie sont une nouvelle preuve que la “gouvernance sans gouvernement” exige un haut niveau de confiance mutuelle. Elle offre aussi de l’espoir, car les membres d’une communauté de ce genre ont la possibilité s’informer sur Internet sur le parcours de leurs compagnons. La coopération virtuelle ne nécessite pas seulement une identité en ligne bien développée, mais fait elle-même partie aussi du développement de cette identité.  Par la suite, quand un besoin de coopération se fait sentir, il peut se baser sur la confiance qui a été précédemment développée.

Certains obstacles à la collaboration en ligne doivent cependant être soulignés. L’un d’eux est  “la loi de fer de l’oligarchie” [en anglais]. Suggérée en 1911 par le sociologue Robert Michels [en anglais], la “loi” dit que toute forme d’organisation provoque une concurrence pour le pouvoir et créé ses propres “oligarques”. Dans un environnement virtuel, les centres producteurs d’informations deviennent un type d’oligarques. Les centres d’informations peuvent passer de la collaboration à la rivalité, et menacer l’efficacité de l’action en réseau.

Un autre problème est celui de l’audience. Les communautés et les blogs sur la plateforme LiveJournal s’adressent d’abord à des internautes actifs. La carte interactive  “Help Map” a tenté d’élargir son audience en utilisant les SMS des particuliers comme sources d’informations mais ces informations, dans leur majorité, sont distribuées sur le Net.  Parallèlement, les médias russes “traditionnels”  (surtout la télévision) sont contrôlés par le gouvernement et ont reçu l’ordre [en russe] d’ “éviter l’exagération et la dramatisation” des incendies. L’audience disponible pour la coopération en ligne est donc limitée.

Conclusion

Au cours de l’été 2010, le web russe est devenu un exemple de “gouvernance sans gouvernement” né de l’incapacité du gouvernement à gérer la crise. L’alliance de blogs, de communautés virtuelle, d’un outil  de suivi de crise, l’émergence de nouvelles institutions dans le monde réel pour soutenir cette structure, donne le cadre d’une prise en charge relativement efficace et coordonnée d’une crise.

La Russie n’est pas le seul exemple de ce phénomène. Dans son essai (encore inédit) “Téléphonie mobile & Gouvernance dans les zones fragiles ou hors état de droit” – Steven Livingston [en anglais] de l’université George Washington montre que les technologies de l’information et de la communication pourraient être des catalyseurs de nouvelles formes de gouvernance. Son essai démontre comment les téléphones mobiles peuvent  “créer de nouvelles institutions qui permettent aux personnes de mieux gérer leurs problèmes ( banque, sécurité,  informations pour le commerce) sans l’implication d’un gouvernement. Cela signifie que la coopération via la technologie devient graduellement une alternative à un gouvernement et un nouveau cadre pour l’autonomisation, dans différentes parties du monde. Dans ce cas, la mobilisation sur le Web russe pourrait n’être qu’un exemple parmi de très nombreux autres.

Le problème de la confiance, des relations en ligne, et de l’accès limité à Internet qui ne permet pas d’impliquer d’avantages de personnes est toujours présent. Il faut ajouter qu’un gouvernement qui identifie une forme rivale de gouvernance dans les réseaux sociaux peut aussi intervenir pour empêcher la collaboration en ligne.

Article de Gregory Asmolov et traduction par Claire Ulrich initialement publiée sur Global Voices

Photos CC Wikipedia Evgen2, et FlickR slack12

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